mercredi 30 septembre 2009

Harry Potter et la Chambre des Secrets, de J.K. Rowling

Il m'a fallu du temps pour plonger dans le monde fabuleux de J.K. Rowling et me délecter des aventures de Harry Potter. En fait ce manque d'engouement de ma part pour cette série célébrissime était causée justement, en partie, par la sorte d'adoration dont ce livre fait l'objet d'une manière générale, auprès du jeune public en particulier. Prenez une vingtaine de jeunes collégiens, demandez-leur de partager avec les autres une de leurs lectures favorites, d'en faire un exposé par exemple. Eh bien sur la vingtaine d'exposés attendus un bon nombre porteront sur Harry Potter. Sortie de tel tome de Harry Potter au cinéma ? On court, on se rue, on est prêt à passer des nuits blanches devant la porte du ciné pour être sûr d'avoir sa place. Ce genre de ruée provoque souvent, chez moi, une réaction contraire : j'attends que ça se tasse. C'est ainsi que, parfois, je passe mon chemin quand certains livres, qui se sont fait une solide réputation, se trouvent sur ma route et me toisent d'une manière un peu trop insolente à mon goût. Pour exemple, jusqu'à présent je n'ai pas encore envisagé La possibilité d'une île, roman de Houellebeck dont on a fait beaucoup de bruit il y a quelques années ; et je ne suis toujours pas en mesure de dire si c'était à tort ou à raison.

Cependant Harry Potter a été d'abord élu par le public, le jeune public en particulier, et le choix de la jeunesse me touche particulièrement. Je savais donc que je devais rencontrer ce Harry Potter qui ensorcelle même les lecteurs, et je n'ai pas échappé à la règle : j'ai été ensorcellée, avec bonheur. Pourquoi avoir commencé par le tome 2 ? Parce que Nico en a dit du bien sur son blog : http://leblogdenico.space-blogs.com/blog-note/139249/harry-potter-et-la-chambre-des-secrets-j-k-rowling-.html


Alors que dire de ce roman que vous avez tous, ou presque, lu ? Harry Potter, le héros, est élève à Poudlard, une école de sorcellerie, invisible et inaccessible aux Moldus, c'est-à-dire les humains ordinaires. Comme dans toute école, à Poudlard il y a différents cours assurés par des professeurs spécialisés, avec, bien entendu, évaluation des connaissances à la fin de l'année. L'école comporte quatre sections ou maisons portant chacune le nom de l'un des quatre sorciers qui créèrent cette école, bien des siècles auparavant. C'est un ''choixpeau'' magique qui affecte les nouveaux élèves dans l'une ou l'autre des maisons, selon leur personnalité. Il y a ainsi les Serpentard, les Gryffondor, les Serdaigle et les Poufsouffle. Harry appartient aux Griffondor, comme Ron et Hermione, ses amis.

Après des vacances épouvantables passées chez les Dursley - les parents qui l'ont recueilli lorsqu'il s'est retrouvé orphelin - Harry est heureux de retourner à Poudlard pour sa deuxième année d'études (chaque volume de Harry Potter correspond à une année). Il est déjà célèbre pour avoir vaincu Voldemort, un sorcier qui inspire tellement la terreur qu'on craint même de prononcer son nom. Il va cette fois percer le mystère de la chambre des Secrets, qui renfermerait un monstre attaquant les élèves issus de parents moldus. Cette chambre existe-t-elle vraiment à Poudlard ? Seul l'héritier de Serpentard aurait le pouvoir de se faire obéir de ce monstre. Qui donc est l'héritier de Serpentard ? La question doit être réglée d'urgence car plusieurs élèves sont victimes d'attaques terribles, qui ne peuvent être attribuées qu'au ''monstre".

Suspense, rebondissements, intrigues de toutes sortes, ingéniosité des personnages font de ce roman un cocktail d'imagination qui étanchera la soif de quiconque veut vivre des aventures extraordinaires, le temps d'une lecture.

mardi 8 septembre 2009

Ne brûlez pas les sorciers, de Donatien BAKA

L’Afrique ne se développe pas à cause du néocolonialisme, à cause de l’ingérence des pays occidentaux dans ses affaires intérieures ? Le peuple serait dans la misère à cause de ceux qui pillent nos richesses ? A cette question, plusieurs auteurs africains veulent désormais répondre en pointant du doigt notre propre responsabilité dans les malheurs qui nous accablent, comme Léonora MIANO dans ses admirables Contours du jour qui vient ou dans L’Intérieur de la nuit. Donatien BAKA semble s’atteler à la même tâche ou bien, pour poser le problème autrement, semble poser le préalable selon lequel, si d’autres sont également concernés par ce qui nous arrive de négatif et doivent pour cela être dénoncés ou combattus, il faudrait commencer par déloger un ennemi d’autant plus dangereux qu’il est à l’intérieur de nous-même : nos croyances. Il faut commencer par faire le ménage de ce côté-là, car nous sommes nous-mêmes notre pire ennemi.
Jean ANOUILH disait, à propos des jeunes et de la vie, qu’ils la laissaient « couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts »1, plutôt que de retenir dans leurs mains cette eau précieuse qu’est la vie. Eh bien cette image peut également s’appliquer aux "aFriqués". Ainsi se nomment les habitants de "l’aFric", pays imaginaire dans lequel évoluent les personnages du roman, et qui pourrait être le Congo ou tel autre pays africain. Ce nom ‘‘aFric’’, homonyme de l’Afrique, dit explicitement combien les sujets évoqués dépassent le cadre national pour s’étendre sur une bonne partie du continent. Il fait aussi référence à la misère d’une majorité de la population qui manque de moyens financiers pour subvenir à ses besoins (aFric = sans fric), tandis que quelques nantis mènent la belle vie. Quels sont donc ces problèmes internes, ces taureaux qu’on devrait prendre par les cornes ?

Le Diktat de la société
L’homme vit au sein d’une société dont il doit respecter les règles pour être en accord avec elle, pour ne pas risquer de se retrouver en prison. Cependant il y a un autre niveau d’appréciation qui échappe à la réglementation et qui ne regarde que l’individu : la conduite personnelle, les habitudes, le comportement. Et là on voit comme l’individu, qui a pourtant à ce niveau la liberté d’agir comme il l’entend, se conduit au contraire comme esclave de la société. Il a du mal a prendre son indépendance ; il agit, non comme cela serait bénéfique pour son équilibre personnel, mais selon ce que lui dicte la société.
En aFric, quand quelqu’un a ‘‘réussi’’, cela doit se ‘‘voir’’, c’est-à-dire être habillé chiquement, avoir villas, voitures (de luxe), personnel de maison (domestiques, jardiniers, cuisiniers…). En outre, l’homme qui a des ‘‘moyens’’ doit le montrer par sa capacité à entretenir plusieurs femmes. C’est ainsi que Lopo, personnage central du roman, se laisse entraîner par ses amis et collectionne les maîtresses. Il a désormais plusieurs « bureaux », s’arrangeant pour que sa femme officielle, Mado, ne se doute de rien, ou pour que telle maîtresse qui croit être sa favorite ne soupçonne pas l’existence d’autres favorites. Lopo doit donc se livrer en permanence à une gymnastique intellectuelle et physique pour soutenir ses foyers (principal et secondaires). Malgré le plaisir que peut lui procurer cette diversité de foyers, ce train de vie commence à lui peser et il veut y mettre un terme. Cependant, comme une drogue, vouloir s’en affranchir est une chose, le sevrage effectif étant une tout autre chose.
La société africaine est également muselée par la pensée selon laquelle la mort est forcément l’œuvre d’un sorcier. Maladies, accidents, ne sont jamais perçus comme naturels, ils sont toujours le résultat de manœuvres mystérieuses. Le comble, c’est lorsqu’on croit que même une maladie comme le sida est utilisée comme outil par les sorciers pour éliminer leurs victimes. En d’autres termes, attraper le sida serait fatalité.

La Tragédie du Sida
On peut admettre l’idée d’une certaine fatalité dans les campagnes reculées où, les sujets touchant à la sexualité étant encore trop tabous et les centres éducatifs pouvant édifier la population n’existant pas ou peu, les gens ne sont pas informés sur cette maladie, sur les moyens de contamination et la façon de se protéger. Il suffit donc d’une personne pour que tout un village soit contaminé. En effet si on ne se contente pas de son partenaire habituel et qu’on élargit sa famille sexuelle – j’entends par famille sexuelle toutes les personnes avec qui on a des rapports sexuels – on risque, non seulement de recevoir le virus d’un partenaire lui aussi très « famille élargie », mais aussi de le refiler à toute sa propre « famille ».

Ainsi, Lopo a beau loger, nourrir et vêtir Nana, la maîtresse qui lui a donné un enfant ; celle-ci a beau lui protester chaque jour son amour, il n’est en définitive que son « groto », c’est-à-dire « l’amant fortuné qui assure la satisfaction des besoins matériels de la maîtresse »2, tandis que son « genito », autrement dit « celui qui procure le plaisir charnel »2 est un autre : Jacques. Ce dernier avait lui-même une copine, décédée à la suite d’une pénible maladie. Tout le monde a conclu : « sorcellerie », y compris Jacques. N’empêche que Nana commence à regretter d’avoir abandonné le préservatif avec Jacques, « se fiant aux allures costaudes »3 de celui-ci. Elle craint que la copine de son amant soit en réalité morte du sida. C’est la seule à avoir ce raisonnement logique : La copine de Jacques est peut-être morte du sida ; Jacques lui-même est peut-être contaminé ; il m’a peut-être transmis le virus que j’aurais transmis à Lopo, qui l’aura transmis à sa femme… Nana, Jacques, Lopo, Mado habitent en ville ; ils n’ignorent pas comment on attrape la maladie du siècle, pourtant les précautions élémentaires comme le préservatif sont négligées et leur réaction, face à cette maladie, est purement ahurissante.

L’aFric des paradoxes
De retour du village où il est allé se ressourcer, Lopo tombe gravement malade. Il n’en faut pas plus pour que tous déduisent que son séjour auprès de ses parents paysans a été néfaste pour lui. Mado, sa femme, l’emmène quand même à l’hôpital d’où ils sortent avec une information capitale : Lopo est atteint du sida. Comment alors expliquer que Mado, qui est pourtant enseignante, se joigne à la famille de Lopo pour le trimbaler chez les féticheurs ? Comment comprendre qu’elle espère une guérison miracle dans la secte « Dieu pensera un jour à nous » ? Il n’y a plus de différence entre le campagnard qui n’a jamais été à l’école, n’a pas accès à Internet et les habitants des villes qui ont tous les medias à leur disposition. Le savoir scientifique que peut détenir ces derniers ne parvient pas à supplanter dans leur esprit les superstitions.
Bien d’autres paradoxes sont évoqués : être un pays producteur de pétrole et manquer d’essence dans ses stations-service ; avoir des terres riches, des productions agricoles dans l’arrière-pays qui y pourrissent à cause du mauvais état des routes ; avoir plus accès aux produits importés qu’à ceux de son propre pays. Il y a aussi l’extravagance, que ce soit pour un mariage ou un décès, alors qu’on pourrait être moins dispendieux et donner le surplus aux orphelins ou aux gens dans le besoin…
Les paradoxes, ce sont aussi les complexes : faire plus confiance à un Blanc, lui confier de préférence des responsabilités ou des missions même si son collègue Noir est le plus compétent, le mieux formé en la matière ; le « maquillage » autrement dit le décapage de la peau…
Bref les paradoxes en aFric sont innombrables. L’un des plus frappants est que, tandis que dans d’autres pays on accorde une attention particulière aux enfants, aux jeunes qui constituent la nation de demain, en aFric ils sont abandonnés, ils sont des laissés-pour-compte.

L’échelle des injustices
Les enfants sont les grandes victimes des déportements des adultes. A la mort de Lopo, sa veuve et ses enfants sont écartées de l’héritage laissé par celui-ci ; ils doivent se trouver un autre logement et subvenir eux-mêmes à leur besoin. Si Mado, qui est fonctionnaire, arrive à joindre les deux bouts malgré les retards de salaire, ce n’est pas le cas pour Nana et son fils Gigi. Cette dernière meurt d’ailleurs peu de temps après Lopo. Gigi est récupéré par sa tante maternelle qui essaie de l’élever en fonction de ses moyens. Mais qu’il s’agisse de Gigi ou des enfants de Mado, la disparition du père, avec tout ce que cela a entraîné comme bouleversements dans leur vie, crée un malaise psychologique qui pousse les enfants dans les rues. C’est l’occasion pour l’auteur de parler de ce phénomène qui prend de plus en plus de l’ampleur : les enfants de la rue. A ce sujet, il convient de saluer les œuvres de littérature pour la jeunesse Zozo d’la rue 4 et La Saison des criquets 5 qui, en littérature, sont parmi les premières à alerter l’opinion publique sur les « phaseurs »6 au Congo-Brazzaville. C’est aussi l’occasion d’encourager le travail des Editions Mokand’Art dans leur optique pédagogique, essayant de remettre la jeunesse au centre des intérêts, d’autant plus que la population africaine est majoritairement constituée de jeunes.
On retrouve l’injustice à tous les niveaux ; dans tous les domaines on a un bourreau et une ou des victimes : l’Etat envers les fonctionnaires et les retraités ; les responsables qui dans une société créent des discriminations entre les salariés ; l’époux démissionnaire qui laisse son épouse gérer seule l’éducation des enfants pendant que lui vole de conquête en conquête ; la maîtresse qui veut nuire à l’épouse officielle pour prendre sa place ; les parents du disparu vis à vis de la veuve et des orphelins qui sont maltraités… Même Mado, qui pourrait passer pour la figure honorable du roman (elle soutient son mari durant toute sa maladie, recueille plus tard Gigi, le fils de sa défunte rivale) n’est pas exempte de torts : elle fait d’Afia, une nièce éloignée venue l’aider pour le ménage, une véritable esclave à qui le repos n’est pas permis. L’auteur qualifie ce phénomène de « type d’esclavage moderne » qu’on observe dans de nombreux pays d’Afrique et même en Europe dans les foyers africains, où une cousine, une nièce venue du pays devient une véritable bête de somme.

Conclusion
Donation BAKA fait en quelque sorte « l’état des lieux » de l’Afrique aujourd’hui, évoquant presque tous les sujets. Il dit d’ailleurs lui-même : « c’est mon premier roman, alors j’ai eu envie de tout déballer. »7 Les faits semblent laissés à l’appréciation du lecteur, mais l’ironie perce parfois dans certaines pages,ainsi que le ton pédagogique. Quant aux paradoxes, ils peuvent à certains égards paraître comme un non-sens, ils peuvent friser l’incohérence, mais la vie n’est-elle pas elle-même incohérente, elle qui laisse souffrir les innocents et fait la part belle aux scélérats ?

Donatien BAKA, Ne brûlez pas les sorciers, L'Harmattan, 2007, 210 pages, 18.50 €

NOTES
1. Jean ANOUILH, Antigone, Editions de La Table ronde, p. 91.
2. Ne brûlez pas les sorciers, p. 69.
3. Idem, p. 71.
4. L. V. MPENE MALELA, Zozo d’la rue, Editions Mokand’Art, Brazzaville, 2004.
5. F. KIBINZA, La saison des criquets, Editions Mokand’Art, Brazzaville, 2004.6. "Phaseurs" : enfants de la rue
7. Interview de l’auteur par Solange SAMBA-TOYO parue sur Congopage.