mardi 10 février 2009

Un coup de théâtre, de G. Mbemba-Ndoumba


Savez-vous qui est à l’origine de la création du C.F.R.A.D, le théâtre national du Congo, qui donnera naissance à la Troupe nationale ? Connaissez-vous les grands noms du théâtre congolais, dramaturges, metteurs en scène et comédiens ? Saviez-vous que des pièces comme Sotoba Komachi de Yukio Mishima figuraient, dans les années 80, au répertoire du « Théâtre de l’Eclair », la troupe d’Emmanuel Dongala ? Si ce n’est pas le cas, vous vous réjouirez d’apprendre la récente parution, chez L’Harmattan, de l’essai Un coup de théâtre, Histoire du théâtre congolais, par Gaston Mbemba-Ndoumba, qui a déjà publié, chez le même éditeur, plusieurs ouvrages dont La femme, la ville et l’argent dans la musique congolaise (2007) ; Ces Noirs qui se blanchissent la peau (2004).




Cet ouvrage répond à un réel besoin de documentation, car si une bibliographie plus ou moins consistante existe sur la prose (roman/nouvelle) et même la poésie congolaises, il y a encore peu d’ouvrages généraux consacrés exclusivement au Théâtre congolais, qui a pourtant été foisonnant à une certaine époque.

Pour ma part ce livre m’a fait revivre ma « première fois » au théâtre. Quel âge avais-je ? Je ne m’en souviens plus, mais c’est un des beaux moments que j’ai vécus avec mon père qui, en matière de culture, de littérature, est celui qui a éclairé – cultivé ? – ces prédispositions en moi. Il m’emmena un soir au C.F.R.A.D., que je découvrais pour la première fois et je fus émue par l’histoire aussi bien que le jeu scénique des comédiens de la troupe nationale, dans l’adaptation théâtrale des Gouverneurs de la rosée, de Jacques Roumain. Cette première fois fut si émouvante que, plus tard, je retournai plusieurs fois au théâtre, au C.F.R.A.D ou ailleurs, en solo ou avec des amis. Je me souviens notamment de la pièce La Rue des Mouches, jouée par le "Rocado Zulu Théâtre". Je crois que Sony était déjà décédé. J’avais même commencé moi-même une initiation théâtrale dans le club ‘‘Autopsie’’, hébergé par Léopold Pindy Mamonsono, écrivain, journaliste, Président de l’Association des écrivains congolais.

Liss, interprétant un texte de Sony Labou Tansi, lors du 3e anniversaire de la disparition de celui-ci (juin 1998).

Outre la critique d’œuvres diverses et la lecture de nos poèmes respectifs, qui étaient soumis à l’appréciation de tous, nous avions constitué une sorte de troupe de théâtre avec, comme metteur en scène, le doyen MOUANGA SENGA.






Une photo de famille à la fin du spectacle, au cercle culturel rebaptisé du nom de l'écrivain. Les membres de la ''troupe'' du club Autopsie sont ''en tenue''. On y voit également la poétesse Marie-Léontine TSIBINDA (en robe rouge), qui fut membre du Rocado Zulu Théâtre, juste à côté de l'artiste Nicolas Bissi. Liss est encadrée, à gauche par le journaliste radio Apollinaire Singou Basseha, à droite par le professeur Antoine YILA, de la Fac des Lettres. A l'extrême droite une des filles de Sony.


Nous interprétions toutes sortes de textes, poétiques surtout. Avant que les guerres ne nous dispersent, nous répétions même une pièce entière. Cette époque-là est une belle part de ma jeunesse... Tiens, je suis donc vieille ? Oh que le temps passe vite !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.

Bon, je cite encore du Baudelaire, pardonnez-moi. Alors ce Coup de théâtre ? Parlons-en ! Pourquoi « Coup de théâtre » ? Le titre me plaît bien car il joue sur les mots. Un ‘‘coup de théâtre’’ est, au théâtre, un retournement de situation inattendu, une ‘‘surprise’’ dans le déroulement de l’intrigue. Et pour les troupes qui émergent au Congo à partir des années 80, le théâtre doit avoir cette fonction : bousculer l’ordre des choses– ou le désordre ? – établi par les pouvoirs politiques qui ne sont pas à la hauteur des attentes du peuple, surprendre ceux qui croient avoir la main-mise sur les consciences.
Mais c’est aussi un ‘‘coup de théâtre’’ que ce coup de maître de Gaston Mbemba-Ndoumba qui dévie un peu de sa trajectoire habituelle et nous montre qu’il peut aussi s’intéresser aux lettres congolaises. Il apparaît, in fine, que l’auteur fut, ou est toujours, un passionné de théâtre.

En tout cas le livre évoque toutes les questions, tous les problèmes que pose la pratique du théâtre dans l’environnement sociopolitique actuel, aussi bien qu’il rappelle quels furent les succès de ce théâtre congolais, qui a tout de même reçu des distinctions internationales.

Gaston Mbemba-Ndoumba, Un coup de théâtre, L’Harmattan, décembre 2008, 11.50 €.

2 commentaires:

GANGOUEUS a dit…

Passionnant sujet où je découvre que tu le théâtre à tes cordes !

Liss, il va falloir qu'on se raconte tout ça autour d'un saka-saka. J'ai durant l'année blanche de 93, participer aux activités de la troupe de l'université Marien Ngouabi. Un modeste rôle. On jouait à l'époque L'intrus de Bilal Fall. On a tout de même joué à l'ENS, l'ENAM et au CFRAD :o)

Une belle expérience humaine avec ses accrochages dans les coulisses et ses belles tirades sur scène.

Je crois cependant que le théâtre au Congo passe par des moments difficiles. J'en causais ce week-end avec mon beau-frère qui est comédien. Il n'y a plus de véritables troupes, mais plutôt des compagnies c'est à dire des associations ponctuelles pour des projets brefs...

Liss a dit…

Vous vous êtes vraiment produits sur scène, quelle chance ! Ce n'est pas rien ! Je me rends compte aussi qu'on a pas mal de choses à partager et que l'espace blog devient limité pour déverser tous ces souvenirs et ces beaux moments. J'aime bien ta formule "accrochages en coulisses et belles tirades sur scène". Pour moi ça été une formation qui m'a révélée à moi-même. Et oui, le Théâtre congolais n'est plus ce qu'il était, on dirait que "l'âge d'or" est bel et bien révolu. La faute au contexte politique ?