dimanche 19 décembre 2010

Le Conseiller du Prince, d'Aimé Eyengué

A l'heure où l'actualité ivoirienne nous montre combien la paix est fragile, notamment en Afrique où l'élection présidentielle semble devenue l'occasion de faire main basse sur les armes de guerre, il est bon de s'emparer de l'arme de la parole pour essayer de démolir ce monstre qui décidément prend plaisir à montrer sa tête hideuse, riant au nez de tous ceux qui appellent de tous leurs voeux une démocratie qui règnerait sans partage. J'ai nommé la guerre.

L'arme de la parole est d'autant plus efficace qu'elle est utilisée à bon escient par ceux qui se trouvent dans l'entourage direct du premier responsable politique d'un pays. Les "conseillers" ont un rôle capital, car l'avenir d'un Etat, d'un royaume dépend finalement d'eux, il dépend de leur force ou de leur faiblesse auprès de l'élu du peuple. C'est l'objet du livre d'Aimé Eyengué, auteur dont je vous ai déjà parlé ici, qui a publié il y a quelques temps Le Conseiller du Prince, un essai qu'il dédie entre autres "à tous ceux qui, allergiques au parler des armes, militent plus que jamais pour que le parler des mots et le dire du silence des armes aient définitivement raison de la guerre."



Le livre se compose de 19 chapitres qui analysent cette fonction ainsi que l'implication de différents facteurs comme l'argent ou le savoir dans le maintien de la paix. L'auteur insiste sur le rôle de l'intellectuel et surtout sur celui de la femme dans le climat politique. Il ne s'agit pas ici de vous résumer le livre car le but est que vous le lisiez par vous-mêmes, mais si je devais vous proposer quelques chapitres qui ont particulièrement retenu mon attention, ce serait ceux consacrés à l'un et à l'autre.

Dans le chapitre VII intitulé "L'intellectuel et la démolition du vice en politique", Aimé Eyengué s'attaque à un vice en particulier :

La Domination : c'est-à-dire la propension qu'a l'homme à se croire supérieur aux autres, avec son intelligence supérieure à une autre, sa race supérieure à une autre, son ethnie supérieure à une autre, sa communauté supérieure à une autre, sa religion supérieure à une autre... tout en supportant mal l'expression de la différence que voudrait lui faire entendre l'autre, lui préférant le conformisme béat, le nombrilisme maladif ou l'ethnocentrisme paranoïaque... Difficile en tout cas de faire entendre raison à quelqu'un qui croit d'avance sa raison supérieure.
(Le conseiller du Prince, page 59)

Ce passage m'a fait repenser à La prochaine fois le feu, de Baldwin.

Dans le chapitre XVIII, "Des observations sur le magistère d'une femme", on peut lire ceci :

Quand le monde aura fini d'être machiste, et qu'il aura compris que diriger un Etat nouveau ou ancien n'est point une affaire exclusivement masculine, alors les vertus de la Parole triompheront définitivement de la guerre. (page 137)

Plus loin :
Car la paix vaut mieux que toute la fortune du monde, et l'or de la vie humaine plus que l'or de la terre ou l'or noir. Et seule la femme, qui est le réceptacle du mystère de la conception et connaît bien évidemment les douleurs de l'accouchement, apprécie beaucoup mieux à sa juste valeur le prix d'une vie humaine ; ainsi, plus qu'un homme, c'est elle qui est mieux à même à convaincre la paix à s'installer sans inquiétude dans une Principauté. (page 140)

Bref voici une oeuvre, non seulement utile, mais aussi intéressante, qui s'appuie sur des exemples précis, tirés principalement de la vie politique française et d'autres pays aussi, et en accordant une place importante à la politique des Etats africains. Les cas du Congo Brazzaville, d'où vient l'auteur, de la Côte d'Ivoire "qui était pendant longtemps à l'abri des troubles ethniques", sont traités dans cet ouvrage nourri de références littéraires, la première étant Le Prince de Machiavel qui fait plutôt état d'un Prince de la Guerre. Comme une riposte, Aimé Eyengué propose donc Le Conseiller du Prince, essai sous-titré "Pour un Prince de la Paix".

Vous pouvez écouter l'auteur s'exprimer sur son livre en cliquant ci-dessous.


Aimé Eyengué, Le Conseiller du Prince, L'Harmattan, décembre 2008, 162 pages, 15.50 €.

Autres ouvrages de l'auteur :
- La France, si je mens, Société des Ecrivains, 2007.
- L'Abbé est mort, vive l'Abbé, Le Manuscrit, 2008.

8 commentaires:

Obambé a dit…

Bonjour,

Je viens de regarder avec attention la vidéo d’Aimé sur www.youtube.com. Une chose m’a particulièrement intéressé dans son propos : « Il y a une élite, il y a le peuple. (…) Nous essayons de casser ce trou là ! »
J’achète.

Merci Liss.

@+, O.G.

Liss a dit…

Grand frère,

c'est une oeuvre qui mérite d'être lue et qui, au-delà des "conseillers" des hommes politiques, s'adresse à tout conseiller, à toute personne proche d'une autre personne qui s'apprête à commettre un forfait, ou qui est en train de le faire : que fait-elle ? Elle a un rôle important qu'elle doit exercer...

Aimé a dit…

Ok: Intellectuelle et femme... ne serait-ce pas bien Liss par déduction logique ? Oh, mieux: l'Auteure de "Détonations et Folie"?

Si seulement, on pouvait tous prendre la mesure des "détonations", savemment amplifiée par Liss, on previendrait la "folie" de ceux qui nous gouvernent et de ce qui nous gouverne nous êtres humains.

Que 2011 apporte le vent mesuré de cette prise de conscience humaine et le changement de la cruauté par l'humanité.
Voilà notre prière livresque, qui doit d'abord te récompenser toi, Liss, pour ta force d'analyse et ton analyse-force, vu ton humanité.

Merci Liss

A.E

Liss a dit…

Cher Aimé,

tes interventions sont toujours de jolis morceaux littéraires.
Merci pour tes mots, puisse Dieu t'entendre et nous préserver de la "folie" de ceux qui nous gouvernent. En tout cas toi tu as fais ce qui était en ton pouvoir pour éviter cette folie : inviter chacun à la prise de conscience.

kinzy a dit…

Coucou Liss
Je n'ai pas encore visionné la vidéo, mais j'ai apprécié que tu relève ce paragraphe:
""Car la paix vaut mieux que toute la fortune du monde, et l'or de la vie humaine plus que l'or de la terre ou l'or noir. Et seule la femme, qui est le réceptacle du mystère de la conception et connaît bien évidemment les douleurs de l'accouchement, apprécie beaucoup mieux à sa juste valeur le prix d'une vie humaine ; ainsi, plus qu'un homme, c'est elle qui est mieux à même à convaincre la paix à s'installer sans inquiétude dans une Principauté. (page 140)""

Merci Liss, comme tu dis son oeuvre mérite d'être lu.
Je te souhaite de passer de joyeuses fêtes et embrasse tes petits "loulou" de ma part.

Liss a dit…

Chère soeur,

Si tout le monde, en particulier les hommes politiques, pouvaient également voir en la vie humaine un or plus précieux que tout, nous ne déplorerions pas tant de malheurs.
Joyeuses fêtes à toi aussi ainsi qu'à toute ta maisonnée. Joie, Paix, Amour pour 2011.

Caroline. K a dit…

Bonjour Liss,

Après presque 5 mois de sommeil, j'ai repris en main mon blog de la carterie. Et je réponds donc à des commentaires qui m'attendent depuis la mi juillet date de ma pause estivale qui s'est prolongée pour cause de déménagement et de nouvelle activité professionnelle. Mais on oublie pas ses premiers amours et j'adore ma petite carterie.

J'espère que tu vas bien et que nous reprendrons nos échanges avec le même plaisir.

Tu m'as donné envie de le découvrir. J'ai l'impression d'un son de cloche différent, alors j'irais voir de plus près.

J'espère que tu as eu un bon réveillon en famille.

Joyeux Noël tardif

Bisous-------

Caro

Liss a dit…

Ma très chère Caro, je compte bien poursuivre mes échanges avec toi ! C'est aussi la poursuite de notre amitié. 5 mois, ça a été bien long, ça fera du bien à tous ceux qui te fréquentaient de te retrouver !
Bonnes fêtes de fin d'année à toi aussi.