lundi 25 janvier 2010

Fête de la diversité, fête de l'amitié, fête de la vie

Je viens de passer un excellent week-end à Nice. J'y étais invitée pour participer aux rencontres culturelles organisées par l'Association Congolaise de la Côte d'Azur. Je n'y ai pas vendu beaucoup de livres, mais j'y ai fait des rencontres inoubliables.

Les rencontres ont commencé vendredi soir avec la prestation de Youss Banda, accompagné de Fortuné Nkounkou, co-fondateur des "Tambours de Brazza", et de Soliac Bantsimba. Tous, des looks d'artistes, les coupes de cheveux surtout. Des looks sur lesquels on peut facilement se faire des préjugés si on les rencontre en dehors de la scène, dans la vie quotidienne. L'allure de Soliac par exemple ne laisse pas deviner un garçon intelligent, ancien étudiant en droit si je ne me trompe. Je n'ai pas eu la chance de les voir sur scène (j'étais encore dans le train en provenance de Paris), mais j'ai eu le privilège de passer de longs moments en leur compagnie.

Youss encadré par Fortuné et Soliac

Après le spectacle, que les niçois ont raté (public pas nombreux, faute de médiatisation ?), nous nous sommes en effet retrouvés "en famille" chez Lina Badila, notre hôtesse, autour d'un bon bouillon de poisson salé aux crevettes séchées, accompagné de semoule s'il vous plaît, à défaut de manioc (le congolais et le manioc, une longue histoire!). Longue causerie, jusqu'au petit matin, vers 5 heures du matin. Je ne peux pas ne pas dire un mot sur Youss Banda, chanteur qui a beaucoup voyagé (comme ses compagnons d'ailleurs). C'est un homme direct, qui parle de tout avec la même aisance, la même franchise, la même légèreté, depuis la crainte, non pas de mourir (on n'y peut rien, elle nous prendra tous, lui surtout se sent quelque peu menacé à cause de sa dénonciation du pouvoir dans ses chansons) mais de mourir à l'étranger (lourde charge pour les siens au pays) ; depuis des sujets graves donc comme la mort ou la solitude qui se cache parfois derrière les apparences d'artiste connu, jusqu'à des sujets plutôt légers, voire coquins, comme les gémissements de plaisir que les femmes de chez nous devraient exprimer en langue de chez nous pour flatter l'oreille de l'amant... La conversation de Youss Banda est à elle seule un spectacle : langage fleuri ; beaucoup d'humour, de bonhomie ; de l'ironie parfois. Très taquin, très lucide. G.B., Albert et Liss

Le samedi 23, la soirée a commencé avec la lecture de quelques extraits de Détonations et Folie par son auteure, qui était accompagnée en musique par deux guitaristes de talent : Albert Kisukidi, du Congo Kinshasa, et Gustave Bimbou, du Congo Brazzaville. Leurs mélodies ont diffusé dans la salle une atmosphère toute faite de recueillement, de douce amertume. Dans un tel contexte, l'amertume du thème du livre et la douceur que peut représenter l'espoir et l'envie d'aller de l'avant ne pouvaient que naturellement prendre vie dans la voix de l'auteure.
Angéla et son groupe
Après la folie au bout des Détonations, l'attachement à la tradition et la célébration de la vie avec Angéla May et son groupe, de Madagascar. Tous plutôt jeunes dans l'ensemble, la chanteuse surtout, mais quelle maturité ! quelle profondeur dans l'expression de leur talent ! A chaque intermède, une parole édifiante d'Angéla : "Nous sommes tous porteurs d'avenir, a-t-elle dit par exemple, mais nous portons également le passé." cette interaction entre les époques s'est traduite agréablement dans leurs morceaux, avec des accents modernes et une joie communicative qui, elle, est intemporelle. Je les ai trouvés en harmonie avec leurs ancêtres, avec le public, avec le monde qui les entoure.
Les jeunes Comoriens

Le concert s'est achevé avec le groupe musical des jeunes Comoriens de Nice. Parmi ces jeunes originaires des Comores, on pouvait remarquer un très agile et joyeux jeune homme ayant déjà accumulé un certain nombre de décennies. Un septuagénaire ? Je n'ai pas réussi à lui arracher le nombre de ses années, mais qu'importe ! puisqu'éclatait la jeunesse et la vigueur dans ses pas de danse, dans son âme aussi. La particularité de ce groupe, c'était une joie débordante, la joie de chanter et de danser, la joie d'être ensemble, ils semblaient dire à tous : "soyons joyeux !"

Momar, conteur originaire du Sénégal et G.B.

Dimanche matin, 6h30. Retour brutal à la réalité quotidienne : "En raison d'un acte de vandalisme, le TGV en direction de Paris Lyon subit un retard de..." De fait, nous sommes partis avec deux heures et demie de retard. Heureusement que j'avais Daniel Pennac avec moi. Qu'est-ce que je me suis marrée en lisant les pages de Chagrin d'école ! En outre, quand je levais le nez, la belle vue de la mer baignée du soleil naissant sur la côte d'azur achevait d'étouffer dans ma gorge tous les jurons que pouvait suciter ce retard inopportun.

11 commentaires:

Phil a dit…

Merci beaucoup pour ces découvertes et cette petite chronique bien écrite et attachante comme tout votre Blog. Et merci aussi de m'informer à l'occasion d'un prochain évenement ou si vous repassez faire une lecture dans le coin.

Liss a dit…

Je ne manquerai pas de vous en faire part, Phil, si j'apprends qu'une manif se prépare du côté de Nice. Merci pour vos bons mots.
Au plaisir !

Obambé a dit…

Hum !
Des histoires comme j’aimerais en lire plus souvent sur la toile, en tournant des pages papiers… Très beau récit, je retrouve ça et là des senteurs, des noms.
J’ai vu les Tambours de Brazza sur scène il y a plus de 10 ans, je n’en reviens toujours pas : quelle performance artistique !!! Les Dames derrière moi étaient bluffées ; en bonnes occidentales qu’elles sont, elles ont axé leur émoi sur les kilos perdus sur la scène « Au moins 4 ! » dit l’une « Non, au moins 5 tu veux dire ! »
Youss Banda mériterait un peu mieux de renommée. C’est vraiment dommage que peu de Congolais s’intéressent à lui. Mais bon, à partir du moment où il n’y a point de mabanga dans ses chansons, le public congolais ne s’y retrouve guère ! ah ! luzingu !!!


Merci encore pour ce beau récit ! au suivant !!!

Obambé

Liss a dit…

Yaya,

prouesse artistique parlant des Tambours de Brazza, ça, on peut le dire.
A propos de Youss Banda, c'est dommage en effet, moi-même j'avoue que je ne le connaissais pas trop, je ne le connaissais même pas du tout ; il a fallu cette rencontre à Nice pour que je le découvre, et c'est véritablement un artiste dans l'âme...

Phil a dit…

Merci pour cette découverte, le Net a du bon parfois..:-) :
http://www.youtube.com/watch?v=d32_RG4QDL8

Anonyme a dit…

merci, pour cet article qui complète bien, l'article de Simon Mavoula sur Congopage et qui nous donne en plus l'impression de suivre pas à pas ton court séjour à Nice.Quelle jolie chute, ce petit coucher de soleil sur le bord de mer. A te lire...

Liss a dit…

Cher Anonyme,

merci pour tes mots, mais j'aurais bien aimé savoir de qui ils viennent...

GANGOUEUS a dit…

Merci pour ce compte-rendu, ces traces que l'on laisse sur le web sont importantes.

Bien à toi, Liss

Liss a dit…

Il y a un avantage certain, cher Gangoueus, à laisser quelques traces, cela peut constituer des archives précieuse, dans quelques années par exemple.

Caroline.K a dit…

C'est superbe Liss, j'ai eu l'impression de vivre une partie de la soirée à travers toi, c'est pas désagréable. çà aurait été agréable de t'entendre lire un extrait de ton texte. Il faut vraiment que je te lise pour voir un peu, mais en même temps, j'ai peur de ne pas être assez "lectrice" pour dire des choses intéressantes dessus. Peux t-on continuer à échanger avec quelqu'un qui ne comprend pas ce qu'on écrit ? Qu'en dis tu ?

Je connais les tambours de Brazza, je ressens leur musique comme une musique de circonstance bien précise, je ne peux pas écouter du ngoma comme une musique banale, tellement de vibrations, de passions, pour moi c'est compatible en spectacle ou en cérémonie, pour le reste, j'ai du mal.

Tiens nous au courant pour ta prochaine manifestation.

Avant de te quitter, j'espère que tu as passé une agréable Saint Valentin.

Caro

Liss a dit…

Ah non, Caro, je ne suis pas d'accord ! Là je dirais que ta peur est injustifiée, tu as peur de ne pas être "lectrice" ou plutôt peur de ne pas être une "lectrice comme les autres" ? A ce moment-là je te répondrai : heureusement ! car à chacun sa manière de lire, de voir, d'appréhender les choses, tu as ta manière à toi de lire et moi je la trouve enrichissante car elle complète la mienne... Si nous étions tous et toutes pareilles, comment se complèterait-on ?