mardi 5 août 2008

Le Nid des corbeaux, de Barly LOUBOTA

Quel avenir pour la jeunesse en Afrique ? Cas du Congo Brazzaville. Voilà en quelque sorte la question à laquelle tente de répondre Le Nid des corbeaux, premier roman de Barly LOUBOTA, jeune auteur congolais vivant actuellement à Montréal.

On nous a sûrement posé, ou nous nous sommes nous-mêmes posé la question de savoir ce que nous voudrions faire plus tard. C’est d’ailleurs la préférence ou l’attirance pour tel corps de métier qui détermine notre choix pour la filière ou la formation suivie à la Fac. Au Congo comme ailleurs dans le monde, les jeunes diplômés espèrent, au sortir des Etablissements de formation, embrasser la vie professionnelle à laquelle ils se destinaient. Cependant au Congo, quand un jeune veut réaliser ses projets professionnels, vivre en fonction de ses principes, de ses rêves, la dure réalité se charge de lui couper l’herbe sous les pieds, de le pousser au bord de ses retranchements jusqu’à faire de lui un autre homme.

Charles Zolani, le héros du roman, est un jeune homme plein de projets, de vigueur, de fougue même, surtout lorsqu’il faut défendre la démocratie dans son pays. Il croit que la vie peut être belle dans son pays, pourvu que les responsables politiques fassent ce qu’ils ont à faire. Mais voilà, après avoir milité dehors, il faut rentrer chez soi et affronter des questions plus pratiques : Charles est marié et sa compagne n’entend pas se transformer en fée pour qu’apparaisse dans la casserole de quoi lui mijoter de bons petits plats.

Pourtant Charles n’est pas resté les bras croisés : activité commerciale entre Brazzaville et Kinshasa, travail dans un journal où il est plus exploité qu’équitablement payé, lancement de son propre journal... toutes ces tentatives professionnelles se soldent par un échec. L’Etat, bien sûr, point n’est besoin d’en parler, il n’utilise pas de ses jeunes cadres, les laisse à l’écart jusqu’à ce que des personnes peu scrupuleuses les récupère. C’est ce qui arrive à Charles Zolani, il finit par s’associer à des personnes qui lui ouvrent le chemin de la prospérité mais qui en contrepartie exigent sa participation dans des magouilles financières de grande envergure. Le jeune Charles, garçon autrefois honnête, plein de rêves et de principes, a désormais les ‘‘mains sales’’. De quelle manière peut se solder une telle vie ? le dénouement ne surprend nullement le lecteur.

L’auteur interroge le lecteur : Charles s’est-il montré trop gourmand de la vie ? Aurait-il pu se tracer une autre destinée ? est-il possible pour la jeunesse de s’en sortir à peu près convenablement en restant honnête ? Faut-il être obligé de fricoter avec la politique ou les milieux mafieux ? Le roman ne l’évoque pas, mais l’une des issues de secours par laquelle s’engouffrent ces jeunes gens, c’est de quitter le pays. Lentement mais sûrement, le Congo, comme d’autres pays d’Afrique, se vide de son sang frais. Quels seront les effets de cette hémorragie dans quelques années ?


Barly LOUBOTA, Le nid des corbeaux, L’harmattan, juin 2008, 24.50 €, 270 pages.

7 commentaires:

B.L. a dit…

Liss,
je découvre ta critique sur ce roman que je connais du bout des doigts, et pour cause...
Les petits arrangements avec la conscience, les petits compromis avec la réalité font courir autant de Charles Zolani dans nos villes... Outre ce personnage, j'espère que tu auras adopté Sidonie (rires)... et méprisé Ma Thété (re-rires)

B.L.

Liss a dit…

Le roman a été agréable à lire et combien d'entre nous, comme tu dis, n'ont pas été des Charles Zolani à un moment donné de leur vie ? Est-ce qu'on reste fidèle à ses principes jusqu'au bout de sa vie ou bien il arrive qu'on fasse des concessions quand cela nous arrange ? Le problème est universel et le lecteur a du mal à jeter la pierre à Charles même s'il n'approuve pas ses choix.
En tout cas bon courage pour la suite !

B.L. a dit…

Liss,
Ce roman a aussi été écrit pour cette jeunesse, la nôtre, même ici en Occident, qui a compris les bienfaits de la démocratie, de la bonne gouvernance... et qui, pour x raisons, change de façon de penser, intègre un système qui finalement perpétue tous les maux de notre société. Nous vivons depuis longtemps une crise des valeurs...

B.L.

Anonyme a dit…

b.l., le papier est en ligne sur le site café littéraire. Il y aurait bien des choses à dire en effet sur ce roman, sur la jeunesse, et c'est à travers l'échange que d'autres nous reviennent, parmi les choses que j'ai appréciées, en tant que ancienne brazzavilloise, c'est aussi que les lieux ne soient pas masqués, ainsi on redécouvre les quartiers de BZV, on se promène dans ses rues comme si on y était vraiment...

Anonyme a dit…

J'ai entamé il y a deux jours la lecture de ce Nid de Corbeaux.

Il faut dire que l'auteur a une plume qui n'a rien à envier aux grands prêtres du décor livresque africain.

Je lui souhaite de faire sa route.

D.

Liss a dit…

Cela me fait beaucoup plaisir que tu lises les jeunes auteurs de chez nous,Destinée, les anciens étant en général bien connus, cela fera encore plus plaisir à l'auteur du roman. J'attends maintenant de te lire toi, c-a-d your book.

b.l. a dit…

Destinée, à peine tu viens de commencer la lecture de ce roman que tu en fais déjà du matalana..? ngué vraiment... Soit. Mais je vais attendre que tu le finisses pour entamer avec toi le débat de conscience que j'ai voulu donner jour par ce roman.
Bises.