mercredi 26 novembre 2008

Johnny Chien méchant, Emmanuel Dongala

Les lecteurs du 20 minutes auront sans doute remarqué, comme moi, que l’Afrique, le Congo en particulier, était au cœur de l’édition de ce mercredi 26 novembre. Il y a d’abord eu un article sur le trafic des crèmes blanchissantes, avec en encadré la présentation du livre Ces Noirs qui se blanchissent la peau, paru chez L’harmattan et dans lequel l’auteur, Gaston M’Bemba-Ndoumba, d’origine congolaise, étudie ce phénomène de société.

Puis le « pillage des ressources naturelles en république démocratique du Congo » a occupé une page entière, ces ressources dont l’exploitation illégale « alimente directement le conflit depuis 1996 ». Or, diamant, cobalt « mais aussi et surtout coltan qui entre dans la composition des fusées et des téléphones portables... », voilà ce dont regorge le pays. A cause de ces richesses, des centaines de milliers de personnes continuent de périr, aujourd’hui encore, ou sont contraintes de quitter leurs demeures pour vivre en errants. Ce sont les civils, la population congolaise qui non seulement ne profite pas de ces richesses mais encore doit payer les pots cassés. Des voix s’élèvent bien sûr, comme celle de Monsieur Christophe Lutundula, auteur d’un rapport sur ce ‘‘pillage’’ : « il y a un manque de volonté politique à l’échelle internationale. Les lobbies sont puissant, d’autant que les portables et les fusées sont des affaires qui marchent ». Et l’auteur de l’article de conclure : « Le conflit a déjà fait 5,4 millions de morts dans le pays depuis 1998, le bilan le plus lourd depuis la Seconde Guerre mondiale » (c’est moi qui souligne).

Ce sont également ses richesses, notamment les intérêts liés au pétrole, qui sont au centre des guerres civiles qui ont ravagé le Congo Brazzaville dans les années 90, guerres dont s’est inspiré l’écrivain Emmanuel Dongala pour écrire son Johnny Chien méchant. Ce roman a été adapté au cinéma. Le film Johnny Mad Dog, par le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire, était le troisième sujet lié au Congo dans cette édition du 26 novembre. Du coup, j’ai pensé faire une rapide présentation de ce roman.

Johnny Chien Méchant, Le Serpent à plumes, 2002.

Ce dernier roman de Dongala propose, sur la guerre civile , deux regards : celui de Johnny, dit « chien méchant » alias « matiti mabé », jeune milicien de 16 ans qui se livre au pillage, au vol, au viol, qui tue sans état d’âme ; et celui de Laokolé, jeune fille de 16 ans, armée de courage et de la volonté de croire encore en l’homme. Elle doit sauver sa peau ainsi que celle de ses proches, elle doit survivre. Les deux héros ont le même âge, leurs regards se succèdent, se croisent pour offrir au lecteur une vue détaillée et différemment commentée de la situation.

Johnny se prend pour un grand personnage, un dur, un intellectuel, mais ses propos et ses actes révèlent toute l’étendue de sa bêtise et de sa lâcheté ; il nous semble encore un enfant même si lui-même se croit adulte. Tandis que Laokolé paraît mâture. Issue d’une famille modeste, fille de maçon, elle a vécu des expériences qui l’ont grandie. Les événements tragiques vécus à cause de la guerre (assassinat du père par exemple) contribuent à la projeter prématurément dans l’âge adulte.

Ce livre, qui essaie de dire avec des mots les atrocités de la guerre civile, n’est pas pour autant dépourvu d’humour. Le talent de l’auteur ne se dément pas avec ce dernier roman.

12 commentaires:

GANGOUEUS a dit…

C'est tout simplement mon roman préféré d'Emmanuel Dongala. C'est pourquoi, je ne manquerai pas d'aller le voir au cinoche, histoire d'apprécier l'adaptation au grand écran. Souhaitons lui un succès dans les salles obscures, Dongala le vaut bien.

Je n'ai pas tout à fait le même regard que toi sur Johnny Chien Méchant...

GANGOUEUS a dit…

Sur le personnage de Johnny dit Matiti Mabe, Mbwa mabé, Chien Méchant...

Liss a dit…

Oui, il faut aller le voir, ce film. Tu ne m'en dis pas assez en ce qui concerne ton regard à toi sur le roman, j'aimerais en savoir davantage, m'expliquer sur les points qui ne te semblent pas justifiés, est-ce l'humour dont je parle ? En réalité j'aurais dû dire ''l'ironie'', ma présentation est assez lapidaire...

GANGOUEUS a dit…

C'est sur l'opposition des personnages.

Il y aurait d'un côté l'horrible milicien sans vergogne Johnny et de l'autre côté la lycéenne errante Laokolé.

Le problème réside dans le fait que Dongala prend le soin de décrire le profil psychologique du milicien : un jeune garçon pommé sorti du système qui a une fascination pour les lettrés et recherche une forme de reconnaissance. Le personnage terrifiant est celui du Général Giap, personnage sans vergogne, tueur ayant trouvé dans la guerre l'occasion d'assouvir ses passions mauvaises.

J'ai beaucoup aimé le personnage de Laokolé, son désir de se battre de survivre à la folie et aux détonations. Et personnellement, Johnny est autant une victime du système que Laokolé.

C'est pourquoi, j'ai eu du mal à comprendre cette sorte d'affrontement final que propose le romancier, mais je n'en dirai pas plus pour les futurs lecteurs...

Liss a dit…

"Johnny est autant une victime du système que Laokolé", mais bien entendu Gangoueus, on est d'accord, ils sont tous les deux les personnages principaux, les héros, sans lesquels le roman aurait moins d'intérêt ; et c'est Johnny qui donne son nom au roman. Ces deux trajectoires, c'est une façon pour Dongala de montrer les deux options entre lesquels les jeunes avaient à choisir, les deux choix possibles, mais qu'on choisisse "le crime" ou bien "la vertu" (c'est un peu caricaturé, mais c'est tout de même à ça que ça se résume), on voit bien qu'ils avaient tous des talents, du potentiel intellectuel qui aurait sans aucun doute fait de ces enfants des citoyens utiles à leur pays,si cedit pays n'était pas devenu un bourbier...

GANGOUEUS a dit…

J'ai vu le film hier. Très violent (pouvait-il en être autrement?), l'adaptation est intéressante, jouée par des anciens enfants soldats. Il y a quelques personnages habités par leurs rôles comme s'ils revivaient avec une certaine jouissance, un épisode désormais enfui de leur vie. Je ne pousserai pas plus loin mon commentaire au cas où tu serais amenée à voir le film.

Johnny Chien Méchant n'a aucun talent. Il aurait peut-être été un élève intelligent, mais il a été exclu du système éducatif. J'ai le souvenir qu'il évoquait la condition familiale ou peut-être est-il orphelin... Je ne sais plus.
Mais qu'il est embrigadé par un intellectuel dans la milice, il est fasciné par l'"érudition" de son interlocuteur...

Il n'a aucun talent et tente d'exister par la guerre en gravissant petit à petit les échelles de sa milice. Il compense sa frustration par une violence tout aussi destructrice. C'est un des aspects du livre que le cinéaste a eu du mal à rendre à l'écran.

Ce qui me choque ou plutôt me gêne dans la conclusion de Dongala, c'est l'idée qu'une jeunesse instruite soit obligée de détruire l'autre jeunesse désoeuvrée et ilettrée. Il y a un manichéisme regrettable à mon avis. Qui n'entâche pas l'oeuvre dans sa globalité. On a toutefois l'impression que l'auteur a été tellement proche des sentiments du personnage de Johnny qu'il a ressenti le besoin de l'éliminer... par le personnage de Laokolé plus en retrait...
On pourra sûrement en discuter vendredi ou dimanche prochain à Beaubourg.

@ bientôt,

Liss a dit…

Tu as déjà vu le film ? Dans le dernier programme cinéma de ma commune, il n'y figurait pas encore, cela ne saurait tarder, je suis impatiente de le voir, finalement tu préfères le livre ou le film ? En discuter vendredi ou dimanche ? Moi je comptais passer samedi, mais je vais peut-être revoir mon planning car j'aimerais bien discuter de vive voix avec toi.
A bientôt !

GANGOUEUS a dit…

Je crains que le film ne soit pas diffuser dans ta commune. Il est sorti dans très peu de salles. J'ai dû aller à Paris pour le voir. Et je me demande s'il sera à l'affiche la semaine prochaine...

J'ai prévu de faire la soirée du vendredi et celle du dimanche. J'ai un ami qui vient de Liège qu'on retrouve samedi après-midi.
Vu que les hostilités commenceront à 16h, ça risque d'être compromis pour moi (alors que le programme est hyper dense, samedi). Je suis entrain de lire le dernier roman de Gaston-Paul Effa, "Nous, enfants de la tradition", et il pose de très bonnes questions... J'espèrais lui en poser aussi, mais on ne fait pas toujours ce que l'on veut...

@+

Liss a dit…

Je vais me renseigner pour savoir s'ils comptent le passer chez nous.
Si tu es en tête à tête avec G. Paul Effa, je suis sûre que tu passes un bon moment. A dimanche si Dieu le veut et si la foule ne nous empêche pas de nous reconnaître.

GANGOUEUS a dit…

Na luki yo, ndéko Liss... Na moni yo te

Liss a dit…

tika, na yaki té, malgré moi bien entendu, j'ai été confronté à un choix, soit mes aspirations personnelles, soit la famille : je me suis laissée fléchir par les enfants qui voulaient voir Mdagascar 2 au ciné, et je n'ai pas pu me libérer suffisamment tôt pour être de la fête à Beaubourg. Je compte sur toi pour en avoir au moins des échos. Mais t'inquiète, ba fétiches na yo po ete to monana te, ça ne marchera pas la prochaine fois (lol)...

GANGOUEUS a dit…

Le choix est clair ! J'aurai sûrement fait la même chose :o)

J'espère qu'ils ont apprécié Madagascar. Pas de kisi donc de mon côté.