mercredi 2 mars 2011

Le Coeur des enfants Léopards au théâtre !

Mardi 1er mars : première de l'adaptation théâtrale du remarqué et remarquable roman de Wilfried Nsondé, Le Coeur des enfants Léopards, mis en scène par Dieudonné Niangouna et interprété par Criss Niangouna, deux frères au nom bien connu par des générations et des générations d'étudiants. En effet, le défunt Niangouna, professeur émérite, avait enseigné ma mère avant que je ne devienne, à mon tour, l'une de ses étudiantes. Mais c'est dans le domaine artistique et non celui de l'enseignement que ses fils s'illustrent et ils s'y trouvent comme... non, pas comme des poissons dans l'eau, varions le vocabulaire, ils sont plutôt comme des princes dans leur royaume et nous étions leurs invités d'honneur, hier au Théâtre Le Tarmac de la Villette.

J'avais escompté la présence de l'auteur à cette "première", emportant avec moi mon exemplaire du roman dans l'espoir de me le faire dédicacer. Mes prévisions se sont avérées justes : Wilfried Nsondé était bien là. Son sentiment après la représentation ? Ne soyez pas si pressés, lisez d'abord cet extrait de l'interview publiée dans le "Journal du Tarmac" N°40 :


Bernard Magnier : Dans quelques semaines votre roman, Le Coeur des enfants léopards, va être présenté à Paris. Voir son texte adapté au théâtre est sans doute un moment intense, peut-être un mélange de crainte et d'excitation, dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Wilfried Nsondé : J'ai l'impression d'une aventure complètement folle qui refuse de s'arrêter, Le Coeur des enfants léopards s'entête, il veut continuer à exister. Le texte a totalement surpassé mes attentes et mes espoirs, c'est incroyable. J'ai hâte d'entendre la voix de mes personnages, et de me confronter à leurs regards. Je m'attends à une expérience très riche et hors du commun. J'ai d'ailleurs du mal à expliquer clairement mon état d'esprit, je ne réalise pas encore vraiment que mon roman va vivre au TARMAC, une excellente scène de l'Est parisien. le lieu est lui aussi tout un symbole, c'est le Paris que j'aime, celui de la diversité et de l'ouverture, des thématiques qui sont omniprésentes dans le texte.



Wilfried N'Sondé et Liss

Et après la représentation ? J'ai pu discuter quelques minutes avec l'auteur et son sentiment de satisfaction rejoint celui du public, enfin si le public était comme moi. J'étais curieuse de voir comment le texte serait joué et il faut dire que cette adaptation rend bien le texte, surtout la spirale de questions  dans laquelle le personnage principal est entraîné, cette prison dans laquelle il se trouve et qui est à l'image de la prison des préjugés dans laquelle on a tendance à enfermer les "jeunes issus de l'immigration". Je vous invite à relire ma critique du roman : http://lissdanslavalleedeslivres.blogspot.com/2009/01/le-coeur-des-enfants-lopards-wilfried.html


Autres extraits du Journal du Tarmac :

Vous avez choisi de transposer ce roman en un monologue, comment allez-vous faire "vivre" les autres personnages du roman ?
Dieudonné Niangouna : Vous savez, on ne doit pas rentrer dans la tête du personnage, on doit l'ouvrir et étaler ses fantômes sur le tapis. Tous les personnages du roman, du vieux à Pascal Froment, en passant par l'équipe de choc, tous suent sur leurs neurones. Ils ont le cerveau en vrille, mais ils ne "one man chose " pas... Ce sont tous des personnages [...] qui sortent de la tête du protagoniste par la force de l'évocation. Enfin, par la force de la torture, pour être honnête.


Bernard Magnier : vous allez interpréter Le Coeur des enfants léopards dans l'daptation réalisée avec votre frère Dieudonné, dans quel état d'esprit abordez-vous ce rôle ? Est-ce un rôle "comme un autre" ?
Criss Niangouna : Je suis enthousiasmé à l'idée de jouer Le Coeur des enfants léopards. J'aborde avec gourmandise la perspective d'incarner ce personnage, pris dans une tourmente d'événements. J'ai rencontré l'auteur avec qui j'ai eu de grandes discussions autour du texte et du personnage, et cela a nourri cet engouement. En revanche, cette motivation reste accompagnée d'angoisse, de trac, d'interrogations, à l'idée d'être ou de ne pas être à la hauteur du roman ou du personnage, comme chez tous les comédiens devant chaque nouveau challenge.

Voyons, Criss, tu étais à la hauteur !

Pour terminer, voici quelles étaient les espérances de l'auteur il y a quelques temps :

"Ces dernières années, le Congo ne s'est pas inscrit dans la rubrique des bonnes nouvelles, alors ne faisons pas la fine bouche, Le Coeur des enfants léopards au TARMAC, écrit, joué et mis en scène par des fils de Brazzaville, espérons que cela participera à redorer le blason du Congo. J'espère que la communauté congolaise se bousculera aux portes de la Villette en mars prochain..."

Alors, voeu réalisé ? A cette première, le Congo était bien représenté, je pense :  j'étais là avec mon homme, Gangoueus était là avec sa belle, sans compter d'autres Congolais qu'on avait pu entendre dialoguer en langue du pays avant le début de la représentation, il y en a même un que j'ai reconnu, comédien lui aussi, que j'ai vu jouer au pays, je me creuse les méninges pour me rappeler à quelle occasion... 

Bon, Congolais et amoureux de la littérature congolaise, vous qui avez adoré ce roman ou voulez le découvrir, vous avez jusqu'au 19 mars pour le voir dans sa version théâtre et pour le lire, si ce n'est déjà fait.

Bon spectacle !

18 commentaires:

Obambé a dit…

Salut les parents,
Le jour où j’ai rencontré Wilfried N’sondé, au moment où il s’apprêtait à me faire ma dédicace, il me demande mon prénom :
- Obambé.
- Mais, tu es Congolais ?
- Oui.
On s’est mis à rigoler comme si on se connaissait depuis des lustres. Vraiment cool le gars et je regrette de ne pas avoir vu la pièce, mais ce n’est que partie remise. Je la verrais un jour et comme on dit en terre d’islam, « Inch’Allah ! »
Dieudonné Niangouna était aussi au Salon du livre de Paris 2010, la 3e fois que j’ai croisé W. N’sondé. Quand il a été invité à dire un mot lors d’un débat organisé au stand des livres du Bassin du Congo, c’était touchant d’apprécier sa relative timidité. Il avait l’air d’être gêné d’être ainsi jeté comme d’un seul coup sur le devant de la scène.
Ces gars, c’est de la graine de talent. Et très modestes avec ça. Dommage que l’agenda soit full, surtout que le Tarmac est un très bel endroit, l’un de ceux où je me sens le mieux en IDF pour le théâtre.

@+, O.G.

Liss a dit…

Encore une fois, Tata Obambé, pas besoin de faire les présentations, tu connais tout le monde !
Merci de partager avec nous ces souvenirs.

St-Ralph a dit…

Je ne crois pas avoir lu ton billet sur « Le cœur des enfants léopards », en 2009, au moment de sa publication. Je viens de le lire et je te dis bravo ! Tu sais très bien que je ne suis pas un grand lecteur de romans. Mais en lisant ton billet, je me dis que je devrais prêter une attention particulière aux auteurs français d’origine africaine qui produisent une littérature qui est une sorte de cri provenant du gouffre. Et ce cri, il faut l’entendre.

Quant à la mise en scène de l’oeuve, j’avoue ma surprise de voir tant de romans d’écrivains issus du Congo mis en scène. Les romans des congolais ou des Français issus du Congo se prêtent-ils mieux que d’autres à une interprétation théâtrale ? J'avais suivi avec intérêt - sans l'avoir vu - l'adaptation au théâtre de "Verre cassé". J’avoue que je n’arrive pas à comprendre cette passion des interprétations théâtrales des œuvres romanesques dont font preuve les Congolais.

Je comprends bien l’angoisse de l’auteur dans l’attente d’une réelle personnification des personnages de son roman. Y avait-il pensé en l’écrivant ? Je ne le crois pas. Voir ainsi vos personnages vous échapper tout à fait ne doit pas seulement procurer le plaisir de la reconnaissance publique.

Liss a dit…

"Ce cri, il faut l'entendre", oui, mon cher St Ralph ! Je peux t'assurer que cette oeuvre-ci est une valeur sûre ? Et tu n'avais pas lu mon billet auparavant ? Je croyais naïvement que tu lisais tous mes articles comme je le fais des tiens ! (rires)

Tu soulignes avec justesse cet engouement pour la mise en scène de romans congolais, c'est vrai que ces interprétations se succèdent. Je n'avais pu voir celles de Verre cassé et Black Bazar, il paraît que cette dernière surtout était pas mal ! Bon, quand est-ce que tu fais un tour à Paris alors ? Au salon du livre peut-être ?

St-Ralph a dit…

Mort de rire !! Bon ! j'avoue qu'il m'est arrivé de.... Oh oui ! excellente idée ! Le salon du livre sera une bonne occasion de humer l'air des activités culturelles parisiennes. Rendez-vous pris !

Obambé a dit…

@ Mon cher St-Ralph,

Tu soulèves des interrogations que je n’attendais pas du tout ! Remarque juste et pertinente (au sujet des romanciers congolais et des pièces de théâtre). A ce propos, il y avait 3 hommes : Emmanuel Boundzeki Dongala, Sony Labu Tansi et Matondo Kubu Turé. Le deuxième n’est hélas ! plus de ce monde. Tous les trois avaient chacun une troupe de théâtre et j’ai eu le plaisir, il y a belle lurette d’assister à diverses représentations de leurs troupes. Les deux premiers ont fait du roman (le premier, des nouvelles aussi) en plus du théâtre. Le dernier (qui enseigne actuellement la sociologie au Congo) a commis son premier roman il y a deux ans.
A l’époque, j’étais un consommateur simplement de leurs œuvres, et je t’avoue que jamais je ne m’étais posé ces questions.

@ Liss,

Ah ! toi…

@ suivre, O.G.

Obambé a dit…

Début décembre 2008, à Paris, dans le public, j’avais eu l’occasion d’assister à d’excellents échanges entre les auteurs Sami Tchak (le plus âgé), Alain Mabanckou, Kangni Alem et Wilfried N’sondé (le plus jeune). L’animateur était Bernard Magnier. J’avais été scotché d’entendre Wilfried N’sondé évoquer un lien entre le bouddhisme et son roman, Le cœur des enfants léopards. En effet, c’est son éditeur en Corée du Sud qui le lui a dit car la lecture de ce roman lui rappelait par moments sa philosophie culturelle, le bouddhisme. Il y a des sentiers où la littérature nous amène…

@, O.G.

Liss a dit…

@ St-Ralph !
Rendez-vous pris ? Oh oui !!! Que Dieu nous entende !

@ Obambé,
Moi j'avais assisté, dans le public, à une discussion avec, sur le plateau Alain Mabanckou et Dany La Ferrière, toujours ensemble ces deux-là, il y a de ces belles amitiés dans le monde des lettres !

Bon, en parlant d'amitié et d'amour de livres, je récapitule : seront au salon du livre, le samedi 19 (c'est le jour qui arrange tout le monde, surtout pour nous autres provinciaux) : Obambé, St-Ralph, et Liss. Ah non, j'oublie Bios Diallo, qui m'a dit par mail qu'il y sera aussi. Je crois que ce serait bien de lancer l'invitation sur facebook aussi, qu'est-ce que tu en penses, Obambé ?

Joss a dit…

J'y suis allé hier au Tarmac. J'avais adoré le livre, j'étais curieux de voir ce que ça donnait sur les planches.
Verdict : J'ai été conquis ;-))

Mon billet d'impression: http://www.loumeto.com/spip.php?article312

Liss a dit…

Tu as commis là un très beau billet, je te cite :

"Pendant 1 heure Criss Niangouna crie, saute, rampe, se fige, hurle, geint, gémit, explose la scène de par sa présence. C’est fort. C’est très fort.
Nous sommes avec le personnage, nous sommes dans sa tête, nous sommes à ses côtés et petit à petit, comme Nsondé a su si bien le faire avec des mots disséminés sur des pages blanches, Niangouna nous dévoile les ressorts du drame, les racines de la déchéance. C’est fort, c’est plus que fort."

St-Ralph a dit…

@ Liss,
Je serai au salon du livre le 21, la journée des professionnels ! Je suis vraiment désolé de ne pas pouvoir y être le samedi, jour du rassemblement général des blogueurs, à ce que je vois ! Le samedi 19, c'est la journée "portes ouvertes" dans mon établissement.

@ Obambé,
Je suis de plus en plus curieux du champ culturel du Congo. Vous me permettez les uns et les autres d'en découvrir certains de ses aspects. La promesse que je me suis faite concernant le Congo - et cela depuis très longtemps à cause du seul saint africain que je connais et qui est originaire de cette terre (Saint Kisito) - , je disais donc que je me suis fait la promesse de me plonger dans l'histoire du Congo. Je vais commencer par "Le royaume au Congo du XVIè au XVIIIè sicle" de Georges Balandier que je possède depuis quelques mois déjà. Affaire à suivre.

Joss a dit…

@Liss: Merci de ton message sur mon site. Par la puissance de je-ne-sais-quel saint en colère, je n'arrive pas à répondre au commentaires sur mon propre site depuis mes 2 PC !
Quand j'aurai trouvé la clef du mystère je pourrai mettre un peu plus d'interaction :-))

Liss a dit…

@ St-Ralph,
Mince, mince, mince ! Tu auras fait tout ce chemin, et on ne pourra se voir ? Remarque, c'est le facteur chance qui joue, et la chance était de mon côté, car nous, c'est le 26 mars, les portes ouvertes, le samedi suivant, et j'avais peur pour le salon du livre, sachant qu'il se déroule souvent dans le dernier tiers du mois de mars.
Bon, bon, je rumine ma déception.

@ Joss,
ce serait bien de régler ce problème, en effet !

Obambé a dit…

@ Joss,

Si tu n’arrives pas à répondre, c’est normal : tu as deux PC => tu es riche. Les esprits des pauvres (dont je fais partie) t’ont bloqué momentanément l’accès.

@+, O.G.

K.N. a dit…

St-Ralph,

Juste un petit rectificatif: Saint Kisito n'était pas originaire du Congo mais de l'Ouganda, bien qu'il soit très populaire chez les catholiques congolais.
Kisito, Charles Lwanga et leurs compagnons font partis des fameux saint martyrs de L'Ouganda. Il y a dans le 1er arrondissement de Brazzaville une paroisse du nom de Kisito et une autre appelée Charles Lwanga. Parmi les saints catholiques africaines, il ya aussi sainte Anuarite qui, si je ne me trompe pas était originaire de l'actuelle RDC.

Pour revenir à la culture, j'envie tous les franciliens et environs qui ont la possibilité de profiter du "Paris culturel". Quand on est loin comme moi, on plus d'autre choix que d'attendre avec impatience les billets publiés par Liss et en jouir par procuration.

Bine à tous.

K.N.

stephanie (anonyme) a dit…

je viens de finir de lire ce livre, et je l'ai trouvé excellent merci mr wilfried n'sondé.j'en redemande et j'aurai bien voulu voir l'adaptation théatrale.

Liss a dit…

@ K.N.,
J'apprécie que vous apportiez vos éclaicissements en ce qui concerne Saint Kisito, je pense que St-Ralp sera aussi de mon avis.
Merci aussi pour vos mots sympathiques.

@ Stéphanie,
c'est un vrai régal, ce coeur des enfants léopards, n'est-ce pas ? C'est un livre qui mérite qu'on s'y arrête. Peut-être lirez-vous aussi son deuxième roman ? ce que je n'ai pas encore fait moi-même.

St-Ralph a dit…

Merci pour le rectificatif K.N. Maintenant que tu le dis, cela me revient. Merci !