lundi 25 octobre 2010

Réussite Scolaire, les premières clés, de Michèle Mallebay-Vacqueur

L'échec scolaire semble un spectre qui hante de plus en plus nos esprits et provoque des crises d'angoisse que l'on tente d'apaiser au moyen de publications abondantes. Chacun scrute, chacun y va de ses propositions, de ses solutions. Il n'y a pas à dire, des livres, des articles, des rapports traitant ce sujet foisonnent. Et ce livre alors, serait-ce "une énième complainte ou un autre brûlot ou pamphlet sur ce thème tant rebattu ?" (p. 15) Pourquoi ce livre ? Quel est son intérêt ? Qu'est-ce qui le distingue des autres ?
 

Eh bien, tout d'abord il présente les choses différemment : au lieu de lutter contre l'échec, Michèle Mallebay-Vacqueur parle de réussite scolaire, comme l'indique le titre de l'ouvrage. Il s'agit pour elle de proposer "les clés d'un travail scolaire efficace et gratifiant" (p. 22). Il s'agit d'aller en amont, de commencer très tôt à mettre le cap sur la réussite,  le très jeune âge étant "celui des acquisitions définitives" (p. 101)

Cette réussite dépend de beaucoup de choses, certaines déterminantes comme l'apprentissage du geste d'écriture qui "doit devenir tellement automatisé que nous n'en avons même plus conscience et que nous prenons tout naturellement papier et stylo selon nos besoins ou nos envies". (p. 29) ; l'apprentissage de la lecture, que les multiples théories d'apprentissage ne servent pas : méthodes synthétiques, syllabiques ou alphabétiques, méthodes analytiques ou globales... Ce qui est certain, c'est qu'un grand nombre d'élèves arrivent au collège sans savoir lire vraiment, des élèves qui devinent les mots plutôt qu'ils ne les lisent. Il apparaît clairement que l'auteur souhaite l'abandon de la méthode globale, responsable de cette avalanche de lecteurs qui ne maîtrisent pas le code de l'écrit.

Parmi les autres facteurs de réussite, on peut également citer la gestion du temps, la gestion des supports (cahiers, classeurs, fichiers d'exercice...) A ce propos, Michèle Mallebay-Vacqueur tire la sonnette d'alarme contre l'utilisation abondante, voire abusive des photocopies, qui ne constituent pas tant que ça un gain de temps, sans compter que la double consommation de papier (les photocopies sont souvent collées sur une page du cahier ou sur une feuille) dessert la planète.

Par ailleurs, la lecture de cet ouvrage est facilitée, je dirais même agrémentée par des épigraphes, en début de chaque chapitre, qui indiquent bien l'esprit de celui-ci. Par exemple cette citation d'Albert Einstein en tête du chapitre consacré à l'apprentissage de la lecture :

" La théorie, c'est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c'est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. Ici, nous avons réuni théorie et pratique : rien ne fonctionne... et personne ne sait pourquoi !" (p. 41)

Ou cette autre citation de Léonard de Vinci, à travers laquelle l'auteur exprime la nécessité de maîtriser les outils d'apprentissage : "Les détails font la perfection et la perfection n'est pas un détail." (p. 75)

Outre les épigraphes, il y a également les images, les comparaisons qui rendent la lecture de cet essai agréable et instructive. Tenez, par exemple page 27 : "Personne n'a jamais réussi à faire pousser une fleur en tirant dessus. Il y a un temps pour tout, ce qui signifie qu'il y a à la fois des étapes à respecter et un certain ordre entre elles."

Enfin, l'ouvrage est riche de multiples exemples et anecdotes, tirés de l'expérience de l'auteure, inspectrice de l'Education nationale depuis 1984. Le livre s'adresse aussi bien aux parents qu'aux enseignants, et le message essentiel qu'elle veut faire passer aux uns et aux autres, c'est d'arrêter d'incriminer les enfants, de leur faire porter toute la responsabilité de leur échec, nous également, enseignants et parents, avons notre part de responsabilité, et je ne puis résiter à l'envie de partager avec vous un passage qui a particulièrement retenu mon attention :

Comme tout un chacun, j'entends les témoignages d'enseignants au bout du rouleau, surtout dans les collèges et lycées où l'on est trop souvent confronté à une jeunesse particulièrement difficile et à des situations très stressantes. Cependant, à lire les descriptions de ces jeunes qui viennent en classe sans le matériel nécessaire, qui parlent entre eux sans se soucier de l'adulte cherchant avec plus ou moins de succès à dispenser son cours, qui s'absentent à leur guise ou quasiment, je ne peux me défendre du sentiment, peu plaisant, que de tels jeunes se comportent peut-être tout simplement avec l'institution comme l'institution s'est comportée avec eux aux premiers temps de leur scolarité.
Que ce soit à l'école ou à la maison, ils ont été confrontés à tous nos "attends !" ("une minute", "tu vois bien que je suis occupé(e)", "va jouer/prendre un livre", "j'arrive", "j'arrive tout de suite", "je te dis que je viens", "oui, ça vient", etc.) plus souvent que de raison. Or, que nous répondent-ils, maintenant qu'ils sont grands, quand, à notre tour, nous leur réclamons leur attention ? Très naturellement, ils nous renvoient tous ces attends" dont nous les avons gavés sans aucune mesure."
(pages 167-168)

C'est donc un livre plein de conseils et de bon sens dont les parents et les enseignants pourront tirer un grand profit. Je l'ai lu dans le cadre du programme Masse critique de Babelio.



Michèle Mallebay-Vacqueur, Réussite scolaire, les premières clés, témoignage d'une inspectrice de l'Education nationale, Michalon Editions, juillet 2010, 220 pages, 17 €.

4 commentaires:

St-Ralph a dit…

Chère Liss,
C'est avec un grand sourire aux lèvres que je te laisse ce commentaire. Tu devines pourquoi.

J'apprécie que cet écrit vienne d'une inspectrice. Cela m'offre l'occasion de dire que si les inspecteurs qui sont les gardiens du temple ont une bonne connaissance des saccages qui y sont perpétrés, ce n'est point nous qu'ils doivent alerter mais bien celui qui les a mandatés. Bien sûr que cette collègue touche du doigt les différents apprentissages que néglige l'enseignement primaire. Bien sûr que les professeurs des collèges n'ont jamais cessé de faire remarquer que les enfants sont trop nombreux à arriver en sixième sans savoir lire, traînant une écriture laborieuse difficilement déchiffrable. Mais qui doit prendre la décision de changer les choses ? Depuis que j'ai une classe de sixième, je suis bien placé pour juger du niveau des enfants. Rares sont ceux qui ont abordé les huit temps de l'indicatif dans le primaire. Certaines institutrices répondent que les programmes ne recommandent pas l'enseignement de la totalité des temps de l'indicatif. D'autres institutrices estiment cela indispensable, passent outre le programme et les enseignent. En tout cas, quand les enfants arrivent en sixième et que, dès la première semaine, je leur demande de m'apprendre un verbe aux huit temps de l'indicatif, ce sont les parents qui sont les premiers surpris. Agréablement surpris. Ils sont contents de constater que l'on mette enfin les enfants au travail. En définitive, il suffit de peu de chose pour faire la différence avec les pratiques du primaire.

Trop de méthodes, trop de théories différentes en lutte dans le primaire. Voilà d'où vient le mal. En l'absence d'un décideur qui prendrait la responsabilité d'arrêter cette machine infernale, chaque enseignant devrait se dire : "le ministre propose, je dispose".

Liss a dit…

Ton sourire est à l'image du mien, Saint Ralph.

Cette inspectrice ne comprend pas pourquoi rien n'est fait depuis plusieurs décennies, elle se demande ce que les décideurs attendent pour mettre un terme à ce que tu appelles, à juste titre, cette "machine infernale". Trop de théories, or "des tonnes de théories ne valent pas une once de pratique", dit-elle page 23.
Au vu des résultats, le bon sens recommande de faire comme tu le suggères : "Le ministre propose, je dispose". Excellente formule.

Ballades et escales en littérature africaine a dit…

Je ne sais pas ce que tu fais comme profession, mais je devine que la maman s'exprime ici.
Hervé.

Liss a dit…

La maman, sans aucun doute, mais l'enseignante aussi, cher Hervé.
Ce livre montre une fois de plus qu'il ne faut pas rater le début.

Merci de ton passage.