mercredi 31 décembre 2008

Bonne Année !

Aventuriers qui découvrez cet espace au hasard de vos excursions
Amis qui répandez ici les richesses de votre cœur et de votre esprit
Lecteurs masqués, lecteurs déguisés, lecteurs à visage découvert
Je vous souhaite à tous une année pleine de découvertes
Un compte bancaire à l’abri des découverts
Sur la route de vos projets, des feux toujours verts
Pour la santé, elle a ses revers, mais les maladies sévères
Que le bon Dieu vous en préserve !
Bonne année 2009 !

lundi 22 décembre 2008

Comme un roman, Daniel Pennac

Daniel Pennac ? J’avais d’abord fait sa connaissance au travers de la littérature de jeunesse, avec le titre L’œil du Loup, cette belle histoire entre un petit africain et un loup, tous deux arrachés à leur famille, et qui apprennent à communiquer, histoire lue par une large majorité de CM2 et 6e de France et toujours appréciée de ces jeunes lecteurs. Et puis j’ai découvert que Pennac avait dans sa gibecière des livres pour tous les âges et pour tous les goûts : enfants, ados, adultes, comment ne pas l’aimer ?


On propose plus facilement un titre plutôt qu’un auteur à un lecteur qui nous demande de guider son choix, car toutes les oeuvres d’un même auteur ne plaisent pas forcément ou du moins ne plaisent pas de la même manière, à moins de remonter aux classiques : les génies du XIXe, les ‘‘éclaireurs’’ du XVIIIe, les ‘‘Grands’’ du XVIIe...
Pourtant, des écrivains dans l’âme, des gens nés pour la chose écrite, dont l’atelier ne produit que de purs joyaux, de vrais auteurs en somme, pas des fabricants de best-sellers, ça existe aussi de nos jours. Oh oui que ça existe ! Ils ne courent pas les rues bien évidemment, mais je suis sûre de pouvoir en citer au moins un : Daniel PENNAC. Le pourcentage de livres que j’ai lus de lui est pourtant bien infime par rapport à toute sa production : après L’œil du Loup, j’ai lu La Fée Carabine et Au Bonheur des Ogres, avec un bonheur égal à celui d’un ogre qui a bien dîné et qui regrette de ne plus avoir de place dans sa panse. Ce qui m’allait droit au cœur, c’est surtout cette déclaration d’amour au récit, aux auteurs qui l’ont enchanté, à la lecture, à l’écriture, que Pennac distille dans chacune de ses pages.

Le plaisir du lecteur, la perte ou la quête de ce plaisir, les causes qui font que ce plaisir semble éteint, les intempéries qui peuvent nuire à son éclosion, Pennac sait formidablement bien en parler, et c’est ce qu’il fait dans Comme un roman, que je viens de terminer. Je n’en connaissais que quelques extraits auparavant. Que vous dire de cet essai ? Faut-il vous en parler ? le résumer ? Le commenter au risque de pécher aux yeux de cet auteur que j’adore ? En effet Pennac n’épargne pas les ‘‘commentateurs’’ – bloggeurs, critiques littéraires... nous nous reconnaîtrons – qui se substituent trop à l’œuvre elle-même au point de lui porter ombrage, mais en même temps il reconnaît l’importance pour un livre d’avoir un héraut qui dit ses mérites et attire à lui des lecteurs... Bon, en un mot Comme un roman parle du rapport à la lecture, abordé sous tous les angles. Intéressant et révélateur sur nos propres habitudes de lecteur. On se reconnaît dans pas mal de situations, c’est comme si ce livre a été écrit pour nous. C’est peut-être parce qu’il part de son expérience, parce qu’il sait si bien se mettre à la place de l’autre, parce qu’il comprend vraiment le fond des choses que son message est si directement acquis. Son plus grand souci, c’est de faire comprendre à chacun, surtout à ceux qui se croient ‘‘exclus de la lecture’’ que... Mais attendez, je suis en train de me mettre à raconter le livre ! alors que je m’étais promis de ne pas le faire. Je m’arrête immédiatement, non sans vous avoir dit que vous faites une grossière erreur si vous vous dites lecteur et que vous tardez à ouvrir ce cadeau que vous offre Pennac – ouvrez-le, offrez-le à vos amis lecteurs ! – ; si vous pensez que vous n’avez pas le temps de lire, surtout pas un essai ; si vous croyez que cette lecture n’est pas pour vous ; si vous n’inscrivez pas tout de suite cette œuvre en tête de la liste de vos prochaines lecteurs ; et surtout si vous ne possédez pas de Pennac dans votre bibliothèque, quel désespoir ! Combien malheureux êtes-vous alors, même si vous, vous vous croyez heureux avec ce que vous avez de ‘‘bons bouquins’’ dans vos rayons. Croyez-moi, ça ne suffit pas, courez vite vous trouver un Pennac, n’importe lequel : bonheur assuré, garanti cent pour cent.

Son Chagrin d'école, Prix Renaudot 2007, je ne l'ai toujours pas dégusté, oui je sais, je suis impardonnable, d'autant plus que je sens que ce livre-là a été écrit pour moi.

lundi 1 décembre 2008

ENTRETIEN avec FATOUMATA KANE


Publié dans le magazine AMINA N°464 de décembre 2008.


Fatoumata Kane est celle que nous nous plaisons à appeler une « africaine sans frontières ». En effet, elle est sénégalo-malienne de naissance, burkinabé par le mariage et brazzavilloise eu égard à son lieu de résidence actuel. Où qu’elle se trouve, sa plume ne la quitte jamais. En deux ans, elle a déjà publié trois ouvrages : Plaidoyer (2007), un recueil de nouvelles, Senteurs terrestres (2008), recueil de poésies, et un roman, Mirages (2008), tous parus aux éditions Le Manuscrit. Elle a aussi conçu et réalisé un CD ROM, « Mémoires d’un historien : Joseph KI-ZERBO », sous l’égide du Centre d’études pour le développement africain (CEDA) et de l’Université de Ouagadougou (RESAFAD).
Fatoumata Kane s’autorise également quelques séjours en Europe, notamment en France. Elle s’est trouvée doublement interpellée par les départs massifs des Africains vers l’Europe et par la vraie vie des immigrés dans ce soi disant ‘‘Eldorado’’.

Après Plaidoyer, votre premier texte dans le genre de la prose, où vous explorez les difficultés des femmes, les défis qu’elles ont à relever dans leur foyer, vous publiez à présent roman. Comment s’est effectué ce passage de la nouvelle au roman ?
L’écriture est un exercice vital pour moi et l’appel de la feuille blanche est aussi irrésistible qu’incontrôlable ; tous ceux qui écrivent peuvent vous le confirmer. Je trouve plutôt agréable de changer de genre.


Le thème cette fois est différent, mais les questions liées à la femme restent toujours présentes dans votre œuvre, vous évoquez le mariage forcé, la polygamie et ses causes, ses avantages et ses inconvénients. Vous êtes plutôt féministe ?
Si souhaiter l’épanouissement de la femme, c’est être féministe, alors je le suis profondément. Le drame des femmes c’est qu’elles sont souvent elles-mêmes partie prenante des violences subies, soit par peur, soit par inconscience et inconsistance et je pèse mes mots. Nous ne pouvons pas mettre tous nos maux sur le dos des hommes sans chercher la solution de nos problèmes en nous et trouver les ressources qui nous permettront de sortir la tête de l’eau.

Dans le cas de Souhaibou, c’est sa stérilité qui pousse son mari à prendre une seconde épouse. Souhaibou et Racky, sa coépouse, font penser à Léa et Rachel, les épouses de Jacob. Cependant Souhaibou n’a pas eu autant de chance que Rachel qui avait finalement pu donner des enfants à son mari. Vous montrez comment cette épreuve qu’est la stérilité pour une femme n’est pas insurmontable.
Comme toute difficulté ou contrariété, elle est bien sûr surmontable. Il est évident que nous souhaitons laisser une trace de notre passage sur terre à travers notre progéniture mais les actes que nous posons sont aussi très importants. Rien ne sert de se morfondre sur ce sur quoi nous n’avons aucune emprise. Chaque action porteuse de fruits que nous posons en assistant les autres peut humainement nous apporter autant de joie que la procréation

Comment trouvez-vous l’interprétation de votre héroïne concernant la polygamie : elle dit que c’est « la volonté de Dieu », est-ce pour montrer comment la société, les hommes en particulier détournent la parole sacrée pour faire accepter une chose qui en réalité n’a pas été dictée par Dieu ?
C’est ce qui est imposé aux femmes comme une vérité absolue, qui ne peut souffrir d’aucune contradiction ; comme lorsqu’on lui fait accepter que son paradis dépend de la satisfaction de son conjoint. Ce sont des sentences qu’elle a acceptées depuis des lustres. Qui peut l’en défaire si ce n’est elle-même ? Mais c’est bien plus facile pour elle de mettre toutes ces pesanteurs subies comme la volonté de Dieu. Pourtant nous savons tous que Dieu est avant tout Amour et Miséricorde.

Parlons de l’immigration, thème central de votre roman intitulé « Mirages ». Dès le titre, vous montrez combien l’entreprise de tous ces innombrables jeunes gens est vouée à l’échec : pour ceux qui ne meurent pas en pleine mer ou ne sont pas pris par la police, c’est tout de même une vie misérable qui les attend. Et très souvent la famille restée au pays ignore leurs conditions de vie en Europe...
C’est une évidence depuis de décennies que l’immigration occidentale a atteint ses limites et que la tentative de migration clandestine est une pure aberration. Nul, aujourd’hui ne peut dire qu’il ne sait pas ce qui l’attend sur cette voie scabreuse vers l’inconnu. Pourtant, chaque jour des centaines de jeunes se jettent sur cette voie en espérant fuir la misère économique, en rêvant de richesse fantasque pour finir engloutis aux fonds de l’océan. C’est une tragédie.

Vous dénoncez également l’attitude de ces familles qui encouragent leurs enfants à partir au péril de leur vie, ils sont plus préoccupés de recevoir des mandats, des euros en provenance de l’Europe, que de la vie que mènent leurs enfants là-bas...
Nous ne voyons hélas que cela sur le continent, des familles meurtries par la pauvreté qui mettent tout leur espoir, la résolution de tous leurs problèmes sur les fragiles épaules de jeunes à peine sortis de l’adolescence et qui dans un acte de bravoure et de désespoir absolus se jettent à la mer en espérant réaliser leurs propres fantasmes et les rêves de toute une famille. Ceci est une violence morale terrible.

Malgré tous les efforts de Souhaibou et de son mari pour convaincre Samba et ses parents qu’il est possible de se construire une vie infiniment, sinon aussi meilleure dans leur propre pays, ils ne sont pas entendus. Est-ce que votre livre ne risque pas le même sort ? Pensez-vous que votre message sera entendu ?
J’espère que mon livre sera lu et mon message entendu. J’espère avoir la possibilité d’en faire la promotion au niveau des ministères de l’éducation nationale afin qu’il puisse être disponible sinon dans les programmes scolaires du moins dans toutes les bibliothèques scolaires.

Revenons aux femmes, ce sont elles qui se battent, qui se lèvent vraiment pour faire bouger les choses, jusqu’à se faire élire Maire de la ville. L’avenir de l’Afrique est donc entre les mains des femmes ?
D’une certaine manière oui. Je suis convaincue que les femmes peuvent faire évoluer les choses lorsqu’elles se regroupent et qu’elles arrivent à se défaire des mesquineries inopportunes et des querelles de leadership absurdes qui mènent au nombrilisme et aux guerres intestines et fratricides où tous les coups sont permis. Elles sont certainement plus courageuses que beaucoup d’hommes. Elles ont un rôle fondamental à jouer dans notre société et elles ne doivent plus s’autocensurer et se priver d’être actrices actives et positives de leur temps.

En fait plusieurs questions sont soulevées dans votre roman mais qui, en général ne sont que succinctement développées, puisque le roman ne fait que 80 pages, c’est comme si vous l’avez écrit dans l’urgence... Qu’est-ce qui urgeait pour vous ?
Je ne l’ai pas vraiment écrit dans l’urgence, mais je ressentais tout de même l’urgence de dénoncer ce phénomène du mirage de l’émigration. Je crois que j’ai eu un peu de mal à me départir du style de la nouvelle. Je pense tout de même avoir écrit l’essentiel de ce que je voulais dire sur ce sujet.

Parlez-nous de vos futurs projets, vos prochaines publications.
J’ai plusieurs projets en cours, un nouveau roman mais surtout un essai sur les femmes africaines, un projet de création d’une maison d’édition et de promotion de la littérature africaine…

Un dernier mot ?
Je paraphraserai une de nos aînées, le Professeur Adam Bah Konaré : « Les femmes doivent impérativement se dire qu’elles ont d’autres rôles à jouer auprès des hommes que de les séduire ». C’est à mon avis le premier pas vers l’estime de soi et l’émancipation véritables.