vendredi 4 juillet 2008

Je m’en vais, d’OZOUA

Entretien publié dans AMINA n°459 de juillet 2008

Le cinquième recueil de poésie d’OZOUA s’intitule « Je m’en vais ». Il compte une trentaine de courts poèmes dont le premier vers reprend toujours le titre. En réalité, tous ces poèmes peuvent être lus comme un seul poème, un long poème ponctué régulièrement d’un refrain : « je m’en vais », qui exprime à lui seul toute la volonté, la détermination de l’auteur à faire entendre raison à ce monde qui semble s’égarer de plus en plus vers l’injustice, la cupidité, l’inconscience totale. Le titre « Je m’en vais » traduit le refus de l’immobilisme, de la passivité, le refus du silence face à tant de maux.

OZOUA, qui êtes-vous ?
Je suis écrivaine et poétesse martiniquaise, amoureuse de la vie, des mots et de la beauté. Je suis Francilienne depuis de très longues années et citoyenne du monde puisque la poésie n'a pas de frontières.

Pourquoi avoir choisi ce pseudonyme ? Que représente-t-il pour vous ?
C'est lors d'un de mes voyages en Côte d'Ivoire que ce pseudonyme m'a été attribué suite à ma demande de porter un prénom africain. Ozoua signifie en langue bete de Côte d'Ivoire « une femme qui se fait remarquer par sa beauté, par ses qualités, en somme une femme exceptionnelle ». C'est un prénom d'une grande noblesse. Il représente beaucoup de choses pour moi. C'est d'abord la réappropriation de mon identité, de ma culture et de mes valeurs nègres puisque de par notre histoire nous avons été arrachés, coupés de la terre mère, de la terre de nos aïeux. Ce prénom donné par un africain du continent signifie qu'il m'accepte comme faisant partie de sa famille, comme sa soeur. C'est retrouver ses racines les plus profondes.

Pourquoi écrivez-vous des poèmes ?
Parce que c'est cette forme littéraire qui s'est imposée à moi. J'ai commencé très jeune à écrire des poèmes.

Justement vous avez essentiellement publié de la poésie jusqu’à ce jour, 4 recueils déjà, ainsi qu’un ouvrage collectif que vous avez initié, Anthologie Hommage à Aimé Césaire Symphonies Nègres, qui est aussi un recueil de poèmes de différents auteurs dont vous-même, vous laisserez-vous tenter par la prose également ?
Je ne tiens nullement à m’enfermer dans la poésie, mon souhait est de m’ouvrir à d’autres genres. Mais il faut dire aussi que mes poèmes ne sont pas soumis aux règles de versification, ils empruntent beaucoup à la prose.

En fait votre recueil fait voler en éclat la barrière qui pourrait exister entre la poésie et la prose, c’est une autre manière de faire découvrir ou de faire aimer la poésie à des lecteurs qui de nos jours sont plus des lecteurs de romans et autres récits…
En effet, mes écrits peuvent être compris par tous. La poésie, c'est la vie et ne peut être réservée à une élite.

« Je m’en vais » est plutôt un recueil de poèmes engagés : vous dénoncez tout ce qui fait que notre monde ne soit pas un lieu où il fait bon vivre. Pensez-vous être entendue ? Votre parole ne va-t-elle pas se perdre dans l’indifférence générale ?
Le poète est sensible à tout ce qui l’entoure et a un esprit critique sur les faits de société. Il est donc à même de sensibiliser l’autre sur des thèmes divers comme la tolérance, la nature, l’environnement. C’est un porte-parole, un témoin des évènements passés et présents. C’est un voyant, un visionnaire, il pressent l’avenir. Il est garant d’une mémoire. Le poète a un rôle de passeur, il est porteur de messages. Il fait prendre conscience des valeurs humanistes. On l'a souvent considéré comme un rêveur, une personne en décallage avec son temps. Alors qu'il est un éveilleur des consciences et vit de plein pied dans la réalité de son temps.
La voix du poète porte toujours car il est relié à l'univers donc les paroles qu'il lance ont des retombées. Je suis sûre d'être entendue, même si je ne vois pas les effets là où je me trouve. Mais dans un endroit du globe, ma parole se réalise. Donc, ma parole ne se perdra pas dans l'indifférence générale. Des actions sont mises en place chaque jour pour apaiser les maux de l'humanité. Mes écrits s'inspirent pour certains, d'évènements passés sous silence, tus par les médias et dont il n’est pas de bon ton d'en parler.

A la fin des poèmes consacrés à la tragédie de certains peuples, comme le poème « Vous parler du Darfour », vous mettez l’adresse de sites où le lecteur pourrait s’informer sur la question et aussi sur les moyens de venir en aide aux personnes concernées. D’où vous vient cet humanisme ?
Je suis femme avant tout et poétesse. Comme je l'ai dit plus haut le poète est sensible à ce qui l'entoure. Mon humanisme vient de cette sensibilité que j'ai.

Vous abordez différents sujets dans votre livre : violence faite aux femmes, écologie, dictatures, armement nucléaire… Qu’est-ce qui vous révolte le plus ? Quelle devrait être, selon vous, la priorité pour l’humanité ?
Ce qui me révolte c'est cette inhumanité, cette violence. J'ai l'impression que de jour en jour il y a une progression à la violence. Ce qui m'insupporte le plus ce sont les attaques faites aux plus faibles, des personnes qui ne peuvent se défendre (enfants, handicapés...). C'est de la lâcheté. La priorité selon moi, pour l'humanité serait le retour aux valeurs, au respect, à leur enseignement et à leur transmission.

Il y a un poème dans le recueil dont vous proposez deux versions, une française et une créole, il s’agit de « Je m’en vais » autrement dit « Man ka pati », qui fait écho au titre du livre. Pourquoi cette irruption du créole dans le texte français ?
Tout simplement c'est parce que je l'ai accouché en créole. Tous mes poèmes pensés en créole restent en créole et sont ensuite traduits en français.

Un dernier mot ?
Ce serait inviter les personnes qui n'ont pas encore découvert mes ouvrages à le faire sans hésiter.

Aucun commentaire: