mardi 22 décembre 2009

Mer et Ecriture chez Tati Loutard

Je m'étais promis, à l'annonce de la disparition de Tati Loutard, de lire son dernier roman et faire un papier dessus pour lui rendre hommage, à ma manière. Voici plusieurs mois qu'il est parti et je n'ai toujours rien fait. Par contre j'ai appris, grâce à un détour chez Gangoueus, que Cultures Sud et L'harmattan avaient fait le nécessaire. Et comme je n'ai pu me joindre au débat, je mets en ligne le seul article en relation avec le poète que j'ai en ma possession : la critique de la critique de Noël Kodia. J'explique : celui-ci a publié, il y a quelques années, un ouvrage sur l'oeuvre de Tati-Loutard, et je l'avais présenté sur mon ancien blog.
Que vaut une œuvre sans lecteur ? Une œuvre vit parce qu’elle est lue, parce qu’elle fait l’objet de commentaires, de réflexions… Et il y a d’autant plus de lecteurs autour d’une œuvre que celle-ci est mise en lumière par un lecteur plus minutieux que d’autres. Ainsi, il y a ceux qui écrivent des romans, des poèmes, des pièces de théâtre, et il y a ceux qui les mettent en lumière. Noël KODIA-RAMATA fait partie de ces derniers.

Le terme ‘‘lumière’’ a ici tout son sens, toute son ampleur. En effet les critiques, en mettant à disposition du public des études, des analyses de textes, non seulement oeuvrent pour que la littérature ne soit pas un mets réservé aux universitaires qui seraient seuls capables d’en percevoir les saveurs ; mais aussi, ils contribuent à faire connaître les auteurs et leurs œuvres, ils les sortent de l’ombre du silence. Et il faut avoir une certaine dose de générosité pour le faire. Ainsi nous apparaît Noël KODIA : un homme généreux. Il s’est spécialisé dans la littérature congolaise, car, il faut le dire, la littérature est tellement vaste ! On peut être un lecteur libre et goûter, croquer, mordre ici et là selon son plaisir, mais si en plus on souhaite s’adonner à la tâche exigeante, rigoureuse de critique littéraire, on est, pour être efficace, amené à se tailler un cadre dans cette vaste littérature.

Noël KODIA fait partie de ceux – et il y en a peu – qui connaissent dans toute sa profondeur, dans toute sa diversité, la littérature congolaise. Depuis de nombreuses années, il la décortique, la presse pour en recueillir le jus et le proposer aux lecteurs qui ont soif d’en savoir un peu plus sur les auteurs du Congo-Brazzaville. Bref il n’est pas de production écrite de congolais qui ne soit passée sur la table d’examen de Noël KODIA. D’ailleurs il prépare un Dictionnaire des œuvres littéraires congolaises (romans, récits et nouvelles). Ses études, qui concernent aussi la politique et la société africaine, paraissent dans des revues, sur des sites Internet ainsi que dans des ouvrages. Mais il a aussi essayé de passer de l’autre côté de la barrière en publiant un roman : Les enfants de la guerre.
Noël KODIA est Docteur en Littérature française de l’Université Paris IV Sorbonne. Il a enseigné les littératures française et congolaise à l’Ecole Normale Supérieure de Brazzaville.


Mer et écriture chez Tati-Loutard : de la poésie à la prose

Qui ne connaît Jean-Baptiste TATI LOUTARD ? En Afrique comme ailleurs, le monde des Lettres voit en lui un porte-étendard de la poésie africaine, pour ne pas dire congolaise. « Après la disparition de Tchicaya U Tam’Si, (J.B. Tati Loutard) apparaît, en qualité comme en quantité, comme le poète le plus fécond du Congo »1, déclare Noël KODIA dans l’avant-propos du livre. Son oeuvre poétique a plus d’une fois fait l’objet d’ouvrages critiques, essentiellement par des universitaires étrangers. Paradoxalement, Tati Loutard est plus cité dans son Congo natal comme étant l’auteur des Chroniques Congolaises, recueil de nouvelles qui a été longtemps au programme des lycées du CONGO. L’approche de la poésie s’avère souvent moins aisée que celle de la prose et, hormis les férus de poésie, on s’y précipite moins. Or celle de Tati Loutard renferme des trésors tels qu’il serait dommage de ne pas oser pénétrer dans son imaginaire. Noël KODIA nous y aide par son livre qui s’intéresse à la fois à la poésie et à la prose de Tati Loutard, démarche qu’il est le premier à accomplir. C’est ce que souligne Dominique MONGO-MBOUSSA dans sa préface à l’ouvrage : « le mérite de Noël KODIA-RAMATA est d’étudier l’œuvre dans sa globalité »2.

Il est en outre le premier compatriote à consacrer une étude à Tati Loutard. Dans Mer et écriture chez Tati Loutard, Noël KODIA-RAMATA prend le lecteur par la main et lui propose une visite guidée dans l’imaginaire poétique Loutardien, en étudiant notamment les thèmes prépondérants, comme la permanence de l’élément aquatique, ainsi que le suggère le titre de l’ouvrage « Mer et écriture ». Dans une seconde partie, ce sont les textes narratifs de l’auteur que Noël KODIA examine, lesquels « reflètent la société congolaise avec tous les problèmes qui la minent. (…) A la manière d’Honoré de Balzac au XIXe siècle dans La Comédie Humaine, J.B. Tati Loutard peut être considéré comme le secrétaire de la société congolaise, dont il a su observer l’évolution des mœurs avec minutie. »3 Il est à noter que les œuvres auxquelles Noël KODIA-RAMATA s’intéresse sont celles publiées de 1968 à 1987. C’est un choix délibéré, car celles qui seront publiées postérieurement, à partir de 1992 pour être plus précis – on notera au passage la pause de quelques années avant que l’auteur ne publie de nouveau – se démarquent radicalement des publications antérieures. A partir de cette date, « la narration et la poésie de J.B. Tati Loutard prennent une autre dimension. »4 Noël KODIA a le projet d’étudier ces œuvres d’après 1992 dans un autre ouvrage. Au regard du travail déjà accompli dans Mer et Ecriture chez Tati Loutard, on ne peut que vivement souhaiter la publication de ce second volet, pour que vibrent à jamais les ondes d’une œuvre riche et dense : celle de J.B. Tati Loutard.

1. Mer et écriture chez Tati Loutard, p. 17
2. Mer et écriture chez Tati Loutard, p.13
3. Mer et écriture chez Tati Loutard, p. 55
4. Mer et écriture chez Tati Loutard, p. 18


ŒUVRES DE NOEL KODIA
I/ Articles divers dans la presse que vous pouvez retrouver dans son blog :
http://blog.ifrance.com/noelkodia
Quelques exemples :
- Le roman congolais de 1954 à 2006 : des prix littéraires qui confirment sa prépondérance au sud du Sahara
- Les romancières du Congo
- Démocratie en Afrique centrale

II/ Ouvrages
- Les enfants de la guerre, roman, Editions Menaibuc, 2005.
- Mer et écriture chez Tati Loutard : de la poésie à la prose, Editions Connaissances et Savoirs, 2006.
A paraître sous peu :
- Fragment d'une douleur au coeur de Brazzaville

2 commentaires:

Caroline.K a dit…

Bonne soirée de réveillon Liss
bises de noël
Caroline

P.S : je passerais lire (enfin si je peux ) le rapport du poète à la mer.

Liss a dit…

Sympa, Caro, Bonnes fêtes à toi aussi. Que de bonnes choses en 2010 !