dimanche 29 août 2010

Homme invisible, pour qui chantes-tu ? de Ralph Ellison

Homme Invisible, pour qui chantes-tu ? (titre original : Invisible man) est l'oeuvre d'une vie, l'oeuvre maîtresse de Ralph Ellison, dans laquelle il a voulu tout mettre, tout dire. Il a voulu déverser dans ce roman tout ce qui l'habitait, tout ce qui enflait et macérait en lui depuis longtemps : la colère, la révolte, la tristesse, l'espoir, la faiblesse, la force, l'angoisse, le doute... Evidemment, le résultat est dense : 616 pages et aucune de trop. Quel est le sentiment qui domine ? Difficile de le dire car chaque sentiment en appelle un autre, qui lui est contraire. La tristesse transparaît derrière le rire, la faiblesse pointe au bout de la force de caractère, la combativité cède le pas à un grand abandon, le pessimisme peine à obstruer tous les orifices par lesquels le cri de l'espoir risque de se faire entendre. Le roman décrit une situation complexe, la condition des Noirs aux Etats-Unis, au milieu du XXe siècle ; d'une manière générale la condition de l'homme dans la société, une société au sein de laquelle il doit trouver sa place. Le rapport à l'autre est complexe dans un monde où l'individu se définit d'abord par sa couleur, où l'Histoire pèse de tout son poids.

Je ne peux m'empêcher de comparer les unes aux autres les oeuvres des grands auteurs américains que j'ai lues récemment : Alors que, d'une manière ramassée, claire et nette, Baldwin définit la question des rapports des hommes entre eux d'une manière retentissante et intemporelle, Morrison fait un état des lieux, mais de l'intérieur, en se concentrant sur les personnages, sur quelques destinées. A travers leurs émois, leurs questionnements, leur quête identitaire, c'est la quête de tout un peuple qui transparaît. Chez Ellison, l'écriture est plus ouvertement politique, elle est tournée vers l'extérieur. Le point de départ est bien sûr le narrateur, en proie lui aussi à une recherche du moi, mais il se cherche dans l'action, l'action politique plus précisément, c'est cette dimension politique qui donne au roman toute sa saveur.


Ainsi, passé le premier tiers du roman, le rythme de lecture s'accélère, ralentit, reprend une vitesse vertigineuse au gré des espérances et des désillusions du héros-narrateur qui sait faire haleter le lecteur. Plus on avance dans la lecture et plus on est impatient de savoir comment ça se termine. Mais, comme lorsque j'ai lu Le Chant de Salomon, je me suis fait violence pour me soumettre au rythme imposé par la narration, sans essayer de la devancer pour savoir à l'avance à quoi m'en tenir. C'est peut-être là un des signes des romans d'exception : ils vous font battre la chamade.


Bon, faut tout de même que je vous dise un mot de l'histoire. Eh bien au commencement était les dernières paroles du grand-père sur son lit de mort :


"Fils, quand je serai parti, je compte sur toi pour continuer le combat. Je ne t'en ai jamais parlé, mais notre vie, à nous, est une guerre, et du jour où j'ai rendu mon fusil, à la Reconstitution, je suis devenu un traître pour la vie, un espion dans le pays de l'ennemi. Tâche de vivre dans la gueule du loup. Je veux que tu les noies sous les oui, que tu les sapes avec tes sourires, que tu les fasses crever à force d'être d'accord avec eux, que tu les laisses te bouffer jusqu'à ce qu'ils te vomissent ou qu'ils éclatent (...) Apprends ça aux jeunots, dit-il dans un murmure plein de fureur. Puis il mourut" (p. 48)


Ces paroles ainsi que l'image du grand-père hanteront le narrteur qui essaiera toujours de comprendre le sens profond des dernières volontés du vieux, il voudra se posittioner par rapport à elles. Les pronoms "les" et "ils" désignent bien entendu les Blancs. Le héros nous apparaît dans un premier temps quelque peu servile, avec une volonté farouche de plaire aux Blancs, pour pouvoir se faire une place. Il est ambitieux, il veut réussir, il a aussi le verbe facile. C'est ce qui lui vaudra une bourse pour l'université. Mais des circonstances malheureuses (ou heureuses ?) lui font quitter l'Université. Officiellement, le directeur de l'Etablissement lui demande de se rendre à New York, trouver du travail et se faire quelques économies pour pouvoir réintégrer le rang des étudiants l'année suivante. Mais les choses ne se déroulent pas du tout de cette manière. Arrivé à New-York, au coeur de Harlem il se révèle comme orateur, comme quelqu'un qui sait enflammer les coeurs, la foule, et même le lecteur est séduit.


On le suit à travers ses expériences, ses rencontres, sa mutation psychologique. Les événements s'enchaînent et font tomber le héros dans un trou, profond et noir, mais c'est un gouffre symbolique. Ralph Ellison invite chacun de nous à aller au fin fond du gouffre noir de sa conscience, d'y hiberner aussi longtemps qu'il le faut pour en ressortir renouvelé, ou du moins plus averti, plus apaisé aussi.


"L'hibernation est terminée. Je dois me desquamer de l'ancienne peau et remonter respirer à la surface. Il y a une puanteur qui, sentie d'aussi loin sous terre, pourrait tout aussi bien être l'odeur de la mort ou du printemps. Mais je ne veux pas vous tromper, il y a, bel et bien, une mort dans l'odeur du printemps et dans ton odeur, mon frère, comme dans la mienne. " 'p. 613-614)


L'écriture demeure l'une des meilleures thérapies que je connaisse, l'un des meilleurs moyens de faire des blessures des cicatrices. Et ce n'est pas Ellison qui va me contredire :


"Le fait même d'essayer de tout raconter m'a embrouillé et a détruit une partie de la colère et une partie de l'amertume. C'est pourquoi à présent je dénonce et je défends, ou je me sens prêt à défendre. Je condamne et je revendique, je dis non et je dis oui, oui et non. Je dénonce, parce que, tout en étant concerné et en partie responsable, j'ai été blessé au point d'endurer des souffrances abyssales, au point de devenir invisible. Et je défends, parce qu'en dépit de tout, je constate et j'aime. Afin de communiquer une partie, je dois aimer, c'est inéluctable. Je ne suis pas en train de vous vendre un pseudo-pardon, je suis un homme désespéré - mais vous perdrez trop de votre vie, et de sa signification, si vous ne la considérez pas sous l'angle de l'amour aussi bien que de la haine. Aussi, je la considère de façon divisée. Aussi, je dénonce et je défends, je hais et j'aime." (p. 613)



Ralph Ellison, Homme invisible, pour qui chantes-tu ? Editions Grasset. Première publication en 1952, 616 pages.
La critique de ce roman, par Saint-Ralph.

lundi 23 août 2010

Bref compte-rendu du cinquantenaire de l'indépendance du Congo

Je sais, ça fait dix jours que l'événement est passé, et c'est maintenant seulement que je vous en parle. C'est que j'attendais quelques photos, pour illustrer mon propos, mais je ne les ai toujours pas reçues. Je sais, j'aurais dû en prendre moi-même. J'attendais aussi que Monsieur Jean-Marie Volet, qui s'occupe du site des écrivaines africaines, actualise ma page pour que vous ayez la possibilité de lire la petite présentation que j'ai faite de la littératuire congolaise, car cette "petite présentation", me paraissait un peu trop longue pour vous être servie ici-même.

Liss et Joss Doszen. (Désolée, mais c'est la seule photo que je puisse vous proposer.)

Ce vendredi-là, sans surprise, il y avait foule. Je dis sans surprise car c'était un jour de semaine et tous ceux qui l'auraient souhaité ne pouvaient pas tous être là ; en outre on annonçait un temps pluvieux ; mais c'était sans surprise surtout parce que la culture a souvent été le parent pauvre des divertissements, en tout cas parmi les Congolais. La preuve, le samedi soir, à la soirée dansante, ils étaient plus de quatre-vingt, selon les échos que j'ai eus, tandis que le vendredi après-midi, autour des tables-rondes, il n'y avait que vingt-cinq participants environ. Mais c'était pas mal car ceux qui étaient là, on peut dire qu'il s'agissait de convertis à la cause littéraire et culturelle. Quelques uns sont même venus de province rien que pour assister à cette rencontre. On a donc eu un échange intéressant, disons qu'on a même manqué de temps, car les débats à proprement parler ont dû se tenir autour du pot de l'amitié, sous des gouttelettes de pluie, la salle devant être libérée dans les temps. Or les intervenants ont été assez longs, moi la première, qui ai souhaité faire participer le public : cela prend forcément plus de temps que les 15-20 minutes qui nous étaient impartis.

Bon, qu'est-ce qui s'y est dit ? Les organisateurs ont émis le souhait de voir toutes les communications rassemblées dans un ouvrage. En attendant, je vous en dis juste un petit mot. Il est apparu que les parcours littéraire et musical ont certains points communs, notamment en ce qui concerne les problèmes d'archivage. Il a aussi beaucoup été question des droits d'auteur et de la généralisation de l'auto-promotion. Monsieur Martin Lemotieu a été intarissable en ce qui concerne le thème de l'indépendance dans les romans congolais.
Quant à la seconde table-ronde, je pense que les anecdotes par lesquelles les intervenants ont étayé leurs communications résument assez bien la situation. Cette seconde table-ronde étant axée sur le développement du pays et sur les moyens par lesquels la disapora peut participer à ce développement, il résulte des différentes interventions que le développement doit prendre sa source dans le changement des mentalités.

Exemple : Monsieur Patrice FINEL, vice-président du conseil général de l'Essonne (qui a donc apporté un avis extrérieur) a évoqué son court séjour à Brazzaville et le constat, entre autres, que eux, les Français, avaient fait est le suivant : à plusieurs reprises ils avaient engagé un jardinier, pour un stage, et chaque fois le stagiaire arrivait en costume-cravate, plus mallette à la main, avant de se changer et de revêtir une tenue appropriée au jardinage. Les Français finirent par demander les raisons de cette métamorphose quotidienne, le jardinier répondit que le travail lui plaisait bien et le satisfaisait, mais que si sa famille l'apprenait, elle le prendrait mal car c'était un travail manuel. D'où la nécessité de se mettre en costume le matin avant d'aller jardiner, pour faire croire à la famille qu'il se rendait au "Bureau".

Donc, beaucoup de complexes dont il faut se débarasser pour pouvoir avancer. C'est aussi le constat en ce qui concerne les séporositifs, beaucoup stigmatisés même par les intellectuels, par ceux qui connaissent pertinemment les moyens de transmission de la maladie en théorie, mais qui n'évitent pas moins de s'approcher de personnes séropositives. Il a beaucoup été question du Sida, sujet abordé par Monsieur Romain Mbirimbindi, président de l'Association Afrique Avenir.

Je n'ai fait là que survoler quelques communications, elles étaient nombreuses et chacun semblait avoir beaucoup de choses à dire. En ce qui me concerne vous pouvez, sur ce blog, cliquer sur "ma page" dans la rubrique "Liens", et découvrir au bas de page le lien vers l'article "Cinquante ans de littérature florissante". Sinon vous pouvez cliquer ici.

Un autre regard sur la littérature congolaise, son histoire en particulier, par l'écrivain Aimé Eyengué sur le site star du Congo.

mercredi 18 août 2010

Votre message n'a pas été envoyé, de Joss Doszen

Votre message n'a pas été envoyé est le troisième roman de Joss Doszen, que j'ai eu la chance de rencontrer au cinquantenaire de l'indépendance du Congo, vendredi dernier (je vous en dirai un mot prochainement). Je lui avais en effet transmis l'invitation, espérant que nos compatriotes allaient se jeter sur ses livres en voyant un auteur de leur temps en face d'eux, n'attendant que de leur faire découvrir son univers. Un univers dont vous pouvez vous faire une idée en allant farfouiller sur ses différents espaces. Vous y prenez tout de suite la température de la plume de l'auteur, faite d'humour et de bonne humeur. Je vous invite notamment à visiter l'espace loumeto, où l'auteur publie régulièrement ses billets, depuis plusieurs années.


Le gars, aussi haut perché que l'est son verbe, se livre sans détours dans ce troisième ouvrage. Disons plutôt que le personnage principal, la quarantaine, livre ses pensées sans qu'aucune bride ne vienne retenir son langage. Il le fait en toute quiétude car les différents mails dans lesquels il se livre ainsi, destinés à un amour perdu depuis dix ans, ne sont jamais envoyés mais conservés dans les brouillons. Cela donne l'impression au héros d'avoir une interlocutrice, mais cela ressemble beaucoup plus à un journal intime.

Le mot "intime" vient bien à propos car le narrateur nous entraîne au coeur de sa vie amoureuse, au coeur de ses expériences plutôt, qu'elles soient amoureuses, amicales, professionnelles, religieuses ou autre. Le regret pour celle qu'il a fait fuir malgré lui n'est qu'un prétexte pour déverser tout ce qu'il a sur le coeur. L'humour le dispute à l'ironie dans ses confidences, et si vous avez envie de lire quelque chose de léger ou d'amusant en apparence mais qui tâte les maux de notre société actuelle, avec ses contradictions, vous avez de quoi passer un bon moment de lecture avec Votre message n'a pas été envoyé. Franchement j'ai parfois éclaté de rire et j'ai aussi retrouvé des problématiques qui ont également mobilisé mon esprit.

Le langage est oral, imagé, j'ai en particulier bien aimé les comparaisons, elles foisonnent. Ce roman est aussi, en quelque sorte, un hommage aux langues.
Bon, si vous n'êtes pas convaincu, voici quelques extraits :


"Pourtant je crois que comme avec l'obésité, les hommes veulent que vos sentiments entrent dans des compartiments minuscules conçus pour des nains maigrichons. Tours de taille plus large, passions inextinguibles, jambes longues, tendresse en débordement ; mêmes combats.
On en revient toujours au même principe. Ne pas sortir de la norme du moment. Correspondre à la boîte dans laquelle les autres voudraient vous mettre. C'est comme ça en permanence. Les gens n'aiment pas êtres surpris, alors on doit être ce qu'ils pensent que l'on est. Et on passe comme ça les uns à côté des autres sans se connaître vraiment."

[Votre message n'a pas été envoyé, p. 42-43]



"Dans tous les pays occidentaux où ce genre de débat a surgi il y a une constance ; les gens veulent choisir et imposer leur seule vue de l'histoire comme étant celle méritant de figurer aux panthéons nationaux.
Ils veulent nous faire bouffer du Louis XIV, du Christophe Colomb, du docteur Livingston, du capitaine Cortez, etc. La grandeur de l'Europe ne saurait souffrir d'être masquée par la broussaille du temps.
Le problème c'est quand moi j'exhibe ma connaissance historique de l'Europe, il semble toujours apparaître comme un hiatus dans l'amour de l'histoire. Quand je réplique Napoléon l'esclavagiste, Nantes bâti sur le sang des Noirs, Léoplod II massacreur des Congolais, Bob Denard le pantin français faiseur de présidents africains... là, il y a malaise.
Quand je parle de ce pan-là de l'histoire on me reproche inévitablement mon soi-disant désir de victimisation, ma haine de l'Occident et mon communautarisme. On me jette à la figure ma soi-disant accusation - indue évidemment - contre des contempprains auropéens qui ne sont pas responsables des méfaits du passé.
Des cris d'orfraies, des regards accusateurs, c'est tout ce que je reçois quand je mets en avant un passé un poil moins glorieux, une histoire qui ne caresse pas les ego dans le sens du poil. Comme dirait l'autre, individualisation des méfaits et collectivation de la gloire."
[p. 68-69]


Joss Doszen, Votre message n'a pas été envoyé, Auto édition Loumeto, juin 2010, 164 pages.

Pour commander le livre : fnac, librairie Anibwé ou cliquer ici.

Pour en savoir plus sur l'auteur et son oeuvre, une interview chez Gangoueus.
N.B. : Une erreur du graphiste a fait que les exemplaires du premier tirage portent comme titre "Votre Courrier n'a pas été envoyé", au lieu de "Votre message"

jeudi 12 août 2010

Le Chant de Salomon, de Toni Morrison

Chaque fois que je me penche sur l'oeuvre d'un auteur noir-américain, je suis immédiatement entraînée, par la clarté, par la beauté, par la force de celle-ci vers le fond, et pour y trouver... du lourd. Comme dirait Abd Al Malik, Le Chant de Salomon, ça c'est du lourd !


De Toni Morrison, j'avais déjà lu Beloved, qui vous imprègne à jamais, mais, après avoir lu ce Chant de Salomon, que Kinzy a lu deux fois, je me demande lequel des romans placer un degré au-dessus, lequel vous imprègne davantage, vous pénètre jusqu'à la moelle. Je suis tentée de voter pour le second, mais c'est peut-être parce que je viens tout juste de le lire, et cette fraîcheur rajoute à sa séduction.


Les chaînes de l'esclavage ? Peut-être, mais aussi les chaînes de la vanité.

Dans les deux romans, la romancière trace l'histoire d'une famille noire, à cette période des Etats-Unis où Blancs et Noirs vivent dans deux mondes bien distincts, bien que portés par la même terre. Elle montre comment ces deux mondes se regardent, se considèrent, comment ils se frottent l'un à l'autre à tel point que l'étincelle qui jaillit de ce frottement devient souvent une explosion. Une explosion interne. Le calme apparent, vu de l'extérieur, mais le feu à l'intérieur. C'est une vie faite d'amertume qu'elle nous décrit, une "amertume aussi lisse et aussi rigide que de l'acier" (p. 182), comme celle qui caractérise les rapports de Macon et de sa femme Ruth. Deux époux, unis par les liens du mariage mais aussi par une haine sans limites. C'est aussi cette amertume qui définit les rapports entre Blancs et Noirs dans cette Amérique du début du XXe siècle.

Les personnages sont d'apparence transparents, mais ils gardent pourtant une part de mystère, on croit les connaître sans vraiment les connaître. L'âme humaine est complexe. Le personnage central semble être Laitier, car c'est autour de lui que se tisse l'histoire ; c'est autour de lui qu'elle se raconte, si bien qu' "il avait l'impression d'être un seau à ordures pour les actes et les haines des autres" (p. 173-174). Il est donc le point d'ancrage, mais pour moi le personnage le plus fascinant, c'est Pilate sans doute, du nom de celui qui jugea le Christ. Pilate Mort, tante de Laitier, soeur de son père Macon Mort. Tous deux ont vu leur père Macon Mort être abattu sous leurs yeux, car il ne voulait pas se laisser déposséder de ses terres, de sa ferme.


Le Chant de Salomon, c'est l'histoire de la famille Mort, l'histoire d'un nom. C'est l'histoire des noms. "Des noms comme des témoignages"(p.463). Chacun d'eux cache en effet une histoire. Et les noms dans ce roman sont tous singuliers : Pilate Mort, Macon Mort, Corinthiens Un, Guitare, Tommy Chemin de Fer, Tommy Hôpital, Empire State... Laitier, qui en réalité s'appelle Macon Mort (c'est le troisième, après son grand-père et son père), part à la source de son nom, il veut en faire la généalogie, connaître ses origines.


Le récit est savamment construit, on retrouve la patte de l'auteure qui, avec mesure, délivre des éléments d'information, donnés tour à tour par les personnages principaux, et donc avec chaque fois une teinte différente, de sorte que le lecteur puisse lui-même reconstituer l'histoire et établir sa propre version. Le roman s'ouvre et se termine par un même tableau : celui du vol d'un homme qui voudrait être oiseau.


L'oiseau chante. L'oiseau vole. Pour être capable de voler, il faut une certaine légèreté. Il faut se débarrasser de tout ce qui est encombrant. Or la vanité est très encombrante dans la vie d'un homme ; et elle n'est pas le propre d'une race, on la trouve aussi bien chez les Blancs que chez les Noirs ou les Jaunes dont il est question dans ce roman. Heureux celui qui, à un moment donné de sa vie, connaît son heure de vérité, ce moment où l'on brise la vanité qui nous étouffe, où l'on se libère de toutes sortes de complexes et de fausses valeurs.


J'ai aimé ce passage où Corinthiens se débarrasse de cette coque et accepte de vivre au grand jour sa relation avec Porter, un homme qui pourrait être vu comme un misérable au regard de sa situation matérielle. Elle, petite fille du premier médecin noir du pays, qui est allée à l'université et qui rêvait d'une vie professionnelle propre à susciter l'envie des autres, finit "bonne à tout faire" d'une poétesse ; elle qui nourrissait l'espoir d'épouser unmédecin ou équivalent, selon le souhait de sa mère, finit dans les bras de Porter, un misérable peut-être, mais un homme qui lui donne de l'amour, chose qui lui a manqué durant toute sa vie.

Laitier aussi connaîtra son heure de vérité, seul en plein milieu de la forêt, avec pour seule compagne la nuit noire qui force à la méditation.

C'est pourquoi, le passage le plus symbolique du roman est, pour moi, celui où Macon Mort, dit Laitier, contemple un paon en compagnie de son ami Guitare.


"- Regarde... elle se pose par terre." Laitier sentit de nouveau la joie sans limites devant tout ce qui pouvait voler. "Elle vole mal mais elle a de l'allure.
- Il.
- Quoi ?
- Il. C'est un mâle. Il n'y a que le mâle qui a une queue pleine de bijoux. Le salaud. Regarde-moi ça.'' Le paon faisait la roue. "Si on l'attrapait. Viens, Laitier", et Guitare s'élança vers la clôture.
"Pour quoi faire", demanda Laitier en courant derrière lui. "Qu'est-ce qu'on va en faire si on l'attrape ?
- On va le manger !" cria Guitare. Il escalada facilement la double clôture en tubes qui fermait le parking et commença à contourner l'oiseau de loin, en tenant la tête un peu de côté pour tromper le paon qui marchait fièrement autour d'une Buick bleu clair. Il replia sa queue en laissant l'extrémité traîner dans les graviers. Les deux hommes étaient immobiles et observaient.
"Pourquoi est-ce qu'il ne vole pas mieux qu'un poulet ? demanda Laitier.
- Il a trop de queue. Tous ces bijoux, ça l'alourdit. Comme la vanité. Personne peut voler avec toute cette merde. Si tu veux voler, faut laisser tomber toute la merde qui t'alourdit." (p. 254-255)


Ce roman peut également être lu comme l'histoire d'une belle amitié, celle de Laitier et de Guitare. Ils sont de conditions différentes, mais liés pour le meilleur et pour le pire. Bref, beaucoup de choses à dire sur ce roman.


Le Chant de Salomon, un chant universel. Editions 10/18, Collection Domaine Etranger, 480 pages, première publication en 1977.

mercredi 11 août 2010

Rhode MAKOUMBOU, artiste internationale

Chers amis, je vous invite à découvrir l'interview de la belle et talentueuse Rhode Makoumbou, que j'ai publiée sur le site de grioo.com.

Extrait :

"J'ai réussi en partie ma carrière artistique parce que j'ai pu créer avec détermination et imagination une oeuvre assez originale qui apporte des valeurs positives sur ma propre culture à échanger et à partager avec les publics des autres pays, même si l'affirmation de mon africanité dans mon art a souvent été un handicap dans les milieux très élitistes et sectaires du monde occidental qui défend une certaine uniformisation des codes esthétiques ''mondialistes'' à la mode."


Vous pouvez lire l'intégralité de l'interview en cliquant ici.


Le site de l'artiste.

jeudi 5 août 2010

Cinquantenaire des Indépendances

Cette année 2010 est une année anniversaire pour beaucoup de pays d'Afrique qui vont célébrer les 50 ans de leurs indépendances, comme le Congo-Brazzaville dont les dates de fête nationale sont les 13, 14 et 15 août. Les festivités se préparent comme il se doit sur place, au pays, et ici, les Congolais ne veulent pas être de reste.
*
C'est ainsi que vont être organisées, à Evry, dans l'Essone, des rencontres autour de cet événement. J'y ai été conviée pour parler du volet littérature. Je vais donc jouer les apprentie-animatrices de table-ronde le 13 août prochain, j'ai prévenu les amis qui organisent que j'étais une apprentie, mais je n'ai pu refuser l'invitation : comment résister à la tentation de parler de mon sujet préféré : la littérature, et qui plus est la littérature congolaise ?
*
Si vous êtes disponible vendredi prochain, et si vous vous trouvez na ba côtés wana, pourquoi ne pas nous rejoindre pour trinquer à la santé des Lettres Congolaises ?
Ci-dessous un extrait du dossier de presse.
*
*
Extrait du Dossier de presse
L'association « Initiatives de Développement au Congo (IDC) » en partenariat avec le groupe d'événementiel T2S, a pris l'initiative d'organiser une série d'activités pour fêter les cinquante ans de l'indépendance du Congo Brazzaville à Evry, la ville- préfecture du département de l'Essonne où résident plus de mille de congolais et de « franco – congolais », selon des statistiques officielles.
Cette célébration a pour objectifs de
· Renforcer les liens de fraternité entre les congolais de la diaspora.
· Promouvoir la culture congolaise.
· Inviter l'assistance, à cause de la double citoyenneté des uns et des autres, à mieux s'intégrer dans la société française et à être des acteurs du développement de leur pays d'origine.
· Evoquer, pour l'histoire et la mémoire, les moments florissants de la littérature, la musique et du sport au Congo Brazzaville au cours des cinquante dernières années.
· Mettre en lumière les actions de solidarité internationale en cours et à venir, que le département de l'Essonne mène au Congo Brazzaville.
*
*
PROGRAMME DE L'EVENEMENT.
*
Vendredi 13 Août 2010 :
.
13H30 : Table ronde 1 :
50 ans de littérature, de musique et de sport au Congo-Brazzaville : Evocation de ces domaines qui ont été plutôt florissants.
Yvon NGOMBE – Avocat et producteur de musique
Liss KIHINDOU – Ecrivain, critique littéraire et blogueuse.
Michel RAFA – Artiste (Ballet Théâtre Lemba)
*
15H30 : Table ronde 2 :
Intégrée ici, efficace là-bas : quel rôle pour la diaspora dans le développement au Congo Brazzaville ?
Jean Aimé DIBAKANA – Sociologue et écrivain
Patrice FINEL – Vice Président délégué du conseil général de L'Essonne.
Romain MBIRINBIDI - Biologiste et président de l'Association Afrique Avenir.
Nathanaël TSOTSA – Docteur en sciences politiques, curé de l'église Notre Dame d'Espérance d'Evry.
LIEU : Hôtel du département
Conseil général de l'Essonne.
Bd de France – 91000 Evry.
(RER D, gare d'Evry Courcouronnes centre. Autoroute A6, sortie Evry centre).
*
Samedi 14 Août 2010 :
. 22H jusqu'à l'aube : Soirée dansante – Participations des artistes congolais (Entrée payante : 10 euros +1 conso).
LIEU : Salle « le Turbo »
2, Allée de l'orme à martin
91080 Courcouronnes
(RED, gare d'Evry Courcouronnes centre. Bus 402, Arrêt : L'orme à martin).
*
Dimanche 15 Août 2010 :
. Matinée : Suivi du défilé civil et militaire retransmis en direct sur TELE – Congo via les bouquets Orange, Bouygues, Free…
. 15H : Rencontre de football entre deux équipes congolaises -
LIEU : Stade municipal du quartier du Canal – Courcouronnes.
(RER D, gare d'Orangis bois de l'épine. Autoroute A6, sortie Evry centre).