samedi 13 novembre 2010

Petit Bodiel et autres contes de la savane, d'Amadou Hampâté Bâ

Connu surtout comme étant l'auteur du roman L'Etrange Destin de Wangrin, devenu un classique de la littérature noire-africaine, Amadou Hampâté Bâ (1900-1991) "fut l'un des premiers intellectuels africains à recueillir, transcrire et expliquer les trésors de la littérature orale traditionnelle ouest-africaine". Le charme des contes réside sans doute en ce que chacun y trouve son compte : les enfants, toujours avides d'histoires où le juste est récompensé et le méchant puni, ne s'en lassent pas ; et les adultes, eu égard à leur expérience de la vie, sont les mieux placés pour apprécier la morale de l'histoire. Amuser, instruire, faire réfléchir, le conte, décrit par Hampâté Bâ comme étant "le message d'hier, destiné à demain, transmis à travers aujourd'hui", assume toutes ces fonctions, d'où son intemporalité. 



Dans Petit Bodiel et autres contes de la savane, vous trouverez une vingtaine de contes, essentiellement issus du patrimoine peul  ou  bambara. Le premier, intitulé "Petit Bodiel", est le plus long et, naturellement, le plus riche en péripéties. C'est également celui qui illustre de la manière la plus frappante qui soit les revers de la vie et la nécessité d'agir avec sagesse et non en fonction de nos désirs souvent démesurés ou simplement égoïstes.

Petit Bodiel est un jeune lièvre paresseux, "Bodiel" signifie en effet "lièvre" en peul. Tout ce qu'il sait faire ou aime faire, c'est "bâiller, dormir, se réveiller, manger, digérer, pisser et péter", et aussi "regarder croupes fermes et seins arrondis des baigneuses." (pages 13 et 15). Quand Papa Bodiel meurt, Maman Bodiel doit se débrouiller pour assurer leur subsistance. Excedée par la fainéantise de son fils, elle lui lance un ultimatum : qu'il s'arrange pour l'aider, pour gagner lui-même savie, sinon elle le chasse de sa maison et le renie même.

Petit Bodiel a bien compris le message, il veut faire plaisir à sa mère, la surprendre agréablement. Mais comment faire ? Il ne peut pas miser sur sa force, il sait qu'il n'en a pas, alors il décide d'aller voir Allawalam, c'est-à-dire Dieu, pour recevoir de sa part autant de ruse que nécessaire pour surmonter allègrement toutes les difficultés de la vie. C'est le début des aventures pour Petit Bodiel, le début d'une longue ascension également, jusqu'à ce qu'il soit pris par la folie des grandeurs.

Que les personnages principaux soient des animaux ou des hommes, tous nous invitent à réfléchir sur la nature humaine, nous mettent en garde contre les apparences. Parmi les thèmes, le couple occupe une place importante. Vous saurez par exemple en lisant ce recueil  "pourquoi l'homme de bien est souvent l'époux d'une femme sans mérite et la femme vaillante l'épouse d'un bon à rien" (p. 131)

Et que vous inspire ceci  ?

"Pour l'homme, la femme est un puits sans fond... Pour la femme, l'homme est un fût qui se perd dans la nue... Jamais ils ne peuvent parvenir à la limite l'un de l'autre. Ils sont telles deux énigmes qui se regardent, se parlent et se complètent, sans cesser de se contester. Ils ne peuvent vivre l'un sans l'autre, mais ne peuvent vivre ensemble sans heurts ni éclats. Avec la femme rien ne marche, mais sans la femme, tout serait foutu !" (p. 15)

Ce Petit Bodiel est un vrai petit régal, il fera le bonheur des petits et des grands. Merci à Kinzy de m'avoir suggéré cette lecture.

Amadou Hampâté Bâ, Petit Bodiel et autres contes de la savane, Editions Stock, 1994, 220 pages.
1993 pour les Nouvelles Editions Ivoiriennes. Le conte "Petit Bodiel" a été pour la première fois publié en 1977 aux Nouvelles Editions Africaines d'Abidjan.

9 commentaires:

Letsaa La Kosso a dit…

Liss Chérie,
Comme toi je dis aussi merci à notre chère Kinzy pour avoir inspiré ce texte. Ce que m'inspire la citation mise en gras c'est qu'ujourd'hui elle semble un peu hors du temps car les choses ont beaucoup changé même si elles restent fondamentalement les mêmes. Il y a de plus en plus d'hommes qui vivent sans femme et de plus en plus de femmes qui vivent sans homme. Mais, ne le dis-tu pas?...il faut se méfier des apparences!
Merci d'avoir suscité l'envie de relire ce texte.

Liss a dit…

Ignaa Letsaa,

merci de donner ton avis, je trouve aussi que cette pensée est un petit peu décalée par rapport à aujourd'hui.
Il apparaît aussi que, malgré l'effort du conteur de vouloir être équitable entre les hommes et les femmes, il y a tout de même une pointe de mysoginie dans l'ensemble du recueil.

kinzy a dit…

Coucou chères Liss, Ignaa Letsaa

Il aurait sûrement fallu que Eve soit née la première. mais hèlas on sait d'où elle est sortie.
Alors les hommes et la mysoginie,
Une vieille histoire qui dure depuis bien longtemps.

Il existent aussi des auteurs qui écrivent pour mieux dénoncer ce qu'ils ne sauraient changer.

Bises à vous mes soeurs

Liss a dit…

Kinzy, certains auteurs, en effet, "écrivent pour mieux dénoncer ce qu'ils ne sauraient changer". Ta formule est pleine de vérité, et elle convient bien à Hampâté Bâ. Merci de l'enrichissement littéraire que tu m'apportes, chère soeur.

SONYA 972 a dit…

coucou Liss
je sors de chez Kinzy
elle nous a parlé de tes recueils que je trouve interessants
je te souhaite une très belle continuation
bises créoles

Liss a dit…

Bonjour et bienvenue dans cette vallée, Sonya.
Je te remercie pour l'info, je suis allée vite voir chez Kinzy, et en effet, elle y expose mes deux bébés. Elle est trop sympa ! Et toi, j'ai bien l'impression que tu es comme elle.
Merci de ta visite, et au plaisir de te retrouver par ici.

Obambé a dit…

Ce vieillard avait le don de raconter les belles choses avec une simplicité incroyable. Chacun de ses livres que j'ai lus, j'ai eu du mal à les déposer en entamant la lecture, alors que j'aime prendre mon temps, réfléchir au fil des pages et des mots.

Ce livre que tu présentes m'a rempli de joie un jour quand une de mes mamans, qui passe son temps à dire du mal de l'Afrique et des Africains, me l'a emprunté en me disant: Mon fils, tu ne peux imaginer combien tu m'as rempli de joie en oubliant ce livre sur cette tablette. Il pleuvait et en plus, en plein hiver, dans votre pays où il fait si froid, je n'avais pas envie de regarder la télé. J'ai plongé là-dedans et mon temps a été bien rempli...

@+, O.G.

Obambé a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Liss a dit…

Mon cher Obambé,

Voici un témoignage qui fait plaisir à lire ! Un de ceux que tout auteur aimerait entendre à propos de son livre !
J'ai bien aimé ces contes que j'ai consommés comme des petits pains, c'était même mon petit déjeuner quotidien, parfois mon dîner.
J'avais aussi aimé Wangrin, mais il y a trop longtemps de cela que je l'ai lu, j'étais ado ; ça me donne envie de remettre mon nez nez là-dedans !