jeudi 14 janvier 2010

Une préfiguration de la fin du monde ?

Il y a des jours où on se dit forcément : qui suis-je, moi qui ait encore un toit au-dessus de ma tête ? Suis-je meilleure que ceux-là qui périssent sous les décombres, qui attendent un hypothétique secours, couchés dans des gravats ? Que pouvons-nous dire, nous autres qui avons couché dans la chaleur et la douceur de notre lit, face à la catastrophe survenue en Haïti ?
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On mesure combien notre vie est peu de chose ! Eteinte du jour au lendemain comme on éteint d'un léger souffle la flamme d'une bougie. La nature s'amuse à rire de la prévoyance, de l'intelligence, de l'insouciance, de l'incroyance de l'homme. J'ai entendu ce soir aux informations que le "mauvais choix" des Haïtiens en matière de construction aggraverait la situation ! Vraiment ? Pourquoi l'homme aime-t-il toujours mettre une dose de logique, une goutte de science, un filet de maîtrise technologique dans ce qui échappe à toute logique, à toute maîtrise humaines ? Ne suffit-il pas à Dieu de souffler légèrement au-dessus de nos têtes pour que la panique et le malheur soient notre partage ?
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Ce qui frappe, ce qui fait mal, c'est la soudaineté de la catastrophe qui écrase toute tentative pour y échapper. Ceux qui ont survécu ou ont échappé de justesse à la tragédie n'ont que le mot "chance" pour expliquer le fait d'être encore en vie. Combien de catastrophes ont ainsi écrasé l'humanité, en prenant le soin de laisser quelques témoignages ou quelques vestiges dans la mémoire d l'homme ?
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En 79 après Jésus-Christ disparaissait Pompéi, ainsi que deux autres villes romaines, sous la lave du Vésuve. Pierres, Lave, cendre, boue, de plusieurs mètres d'épaisseur constituèrent le cercueil dans lequel elles furent ensevelies, jusque vers le XVIIe-XVIIIe siècle, date de leur redécouverte. On peut visiter aujourd'hui cette cité figée par la cendre, avec les corps des habitants, dans la position où ils furent surpris...
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Dans le quotidien Métro de ce jeudi 14 janvier, on pouvait aussi lire, après les pages consacrées au Désastre en Haïti, une interview du "roi du polar" américain James Ellroy. En voici un extrait :
Vous considérez-vous comme un génie ?
Oui. Je suis un génie car j'ai écrit des livres que personne n'aura l'intelligence ou le talent d'écrire. Mes ouvrages sont d'une complexité inégalable.
Y-a-t-il une phrase que vous puissiez dire en français ?
Non... Ah, si : "Après Ellroy, le déluge !".
www. metrofrance.com

9 commentaires:

Obambé a dit…

Mpangi Liss,

J'ai bien aimé la façon dont tu as mis les mots de Ellroy à la fin. J'ai lu cette interview aussi. Je n'avais jamais lu cet homme, après lecture du journal, c'est décidé, je ne le lirai pas.

La fin du monde? Hélas! c'est arrivé pour des dizaines de milliers de Frères et Soeurs haïtiens. Quand est ce que cette île connaîtra un peu de paix? Oui, comme tu dis, on relativise, en voyant ça: la course après la gloire, l'amour, les plaisirs, la beauté... Tout devient d'un seul coup puéril...

@+, O.G.

Liss a dit…

Je ne sais pas si c'est le fait de trouver les deux articles dans le même journal : d'une part des miliers de personnes éperdues, terrassées par une douleur commune au point qu'on ne puisse plus faire la distinction entre eux ; de l'autre quelqu'un qui est rempli de sa propre gloire... Ou si c'est tout simplement l'ego de cet auteur qui m'a sidéré, cette intelligence dont l'homme se targue et qui est si vaine au regard du monde qui l'entoure.

GANGOUEUS a dit…

Sujet très bien mené. Tu opposes deux réalités très différentes qui ont la particularité de faire l'actualité.

Liss a dit…

Je ne pouvais pas ne pas en parler, Gangoueus, de plus en plus, les sujets liés à l'actualité trouvent leur place ici.

St-Ralph a dit…

Que serait notre vie sans cette insouciance qui nous anime et nous fait oublier que nous sommes mortels jusqu'au rappel de ce léger souffle qui éteint la flamme de la bougie que tu évoques ?
Je n'aime pas beaucoup non plus que les événements viennent me rappeler que je ne suis pas immortel. Cela me plonge dans un sentiment désagréable et me rend malheureux. La fragilité de l'être ! Il n'a qu'un intérêt : nous obliger à cultiver l'humilité. Mais encore faut-il avoir une âme noble pour sentir ce besoin. Même devant l'inconcevable, l'ignoble fanfaronne.

Liss a dit…

j'épouse tes mots, St-Ralph, je crois que l'humilité a quelque chose à avoir avec la noblesse de coeur...

Caroline.K a dit…

Bonsoir Liss,

Je dois être totalement à côté de la plaque. Je me demande deux choses, la première c'est la cohérence des gens qui placent les nouvelles dans leurs journaux et qui conduisent à ce genre de paradoxe qui peuvent choquer, dans le même genre, la mort d'une adolescente anorexique avec sur la même page, une publicité pour un régime amincissant. Quelqu'un doit bien décider de çà non ?

De l'autre côté, je me pose la question sur l'humilité et la modestie. Moi qui par exemple suis plutôt réaliste sur mes manquements, on me le reproche souvent et curieusement des gens conscients de leurs talents et qui n'hésitent pas à le dire sont aussi montrer du doigt, en tout cas en France (pour ne citer qu'elle) ce qui n'est pas le cas, dans les pays saxons, ce qui explique les réponses franches de James Ellroy.
Finalement vaut-il mieux faire semblant pour être approuver par les gens ?

Je ne lis comme tu le sais maintenant, mais j'ai vu les films tirés des romans de Ellroy et j'ai cru comprendre que son œuvre tournait autour d'un drame personnel dont il ne s'est jamais remis, sans jamais l'aborder. La dernière question que je me suis posée après avoir lu ton texte et les commentaires a été, peut-on juger quelqu'un à partir d'un entretien ?

Pour finir, j'écoutais l'autre jour un de mes podcast d'une émission culturelle anglaise dans laquelle le journaliste entretenait Ellroy justement sur son dernier livre, il lui demandait comment il avait pu prévoir l'importance que prendrait Haïti en ce début d'année, le dénommé Ellroy semble avoir consacré de nombreuses pages à l'histoire d'Haïti, de sa sœur voisine Saint Domingue, de la rivière "Massacre" qui les sépare ce qui était à l'origine, un seul territoire. Bref, ce journaliste disait qu'il en avait appris 100 fois grâce à ce livre sur le pourquoi du comment de la pauvreté Haïtienne, des enjeux américains, qu'en quelques jours d'avalanche médiatique de pseudo journalistes accrédités sur place.

Je me demande de quand datait cette entretien paru dans ce journal ? Je me demande aussi combien de journalistes français l'ayant interviewé lui auront parlé de Haïti justement ? A mon avis, çà devait soit daté d'avant la catastrophe, soit ils ne l'ont pas lu, alors finalement je me demande qui manque de décence dans tous çà.

Désolée pour les fautes. Je me pose sans doute trop de questions, je devrais laisser tout çà aux intellos qui y comprennent quelque chose.

Caroline

Liss a dit…

Chère Caro,

Sans doute Ellroy n'avait pas prévu ou souhaité que son interview paraisse juste à côté des nouvelles d'Haïti.

Oui, ta question est juste : "peut-on juger de quelqu'un simplement sur un entretien ?". Je n'ai pas encore lu Ellroy, mais d'après ce qui se dit sur lui, ce qu'il dit lui-même, ses livres valent le détour, je ne suis pas là pour dire le contraire, sans doute qu'il écrit de très bons livres. Je ne suis pas non plus pour l'apologie de la fausse modestie. Non, ce n'est pas mauvais d'être fier de ce qu'on a fait quand on est conscient que ce qu'on a fait est très bien. Moi, ce qui me dérange c'est cette phrase où il dit que nul ne pourra avoir un talent et une intelligence comme la sienne. Là je dis que la fierté devient de l'orgeuil démesuré, car Ellroy semble oublier que tout est relatif : on ne peut être le meilleur que par rapport à une époque, par rapport à une zone géographique même ; viendront d'autres qui feront encore mieux. Et même sans parler des auteurs futurs, je ne suis pas certaine que l'on ne puisse trouver dans toute la littérature mondiale qui existe déjà des bijoux aussi brillants voire plus brillants que les siens, ou alors il n'a pas suffisamment lu pour penser que rien de ce qui existe ne vaut un Ellroy. la valeur d'un livre peut varier d'un lecteur à l'autre, parfois même d'une époque àl'autre. Combien de livres, d'auteurs n'ont connu le plébiscite du public que longtemps après la mort de ces derniers ?

Je n'ai jamais lu Ellroy mais j'avoue que je ne suis pas pressée de le faire, car notre première "rencontre" a été faussée dès le départ. Toi tu sembles avoir eu plus de chance avec les films, les émissions. En fait les circonstances sont parfois déterminante dans nos choix...
En tout cas je te remercie de nous soumettre ces réflexions.

Caroline.K a dit…

Je comprends mieux ce que tu as voulu dire chère Liss, heureusement que tous les goûts sont dans la nature, sinon autant parler à son miroir, on gagne du temps et on risque pas d'être contredit. Ce qu'il y'a de fabuleux avec les blogs, ce sont les surprises et grâce à toi, je découvre avec surprises des univers tentants et rien que pour çà, je ne regrette pas de lire tes textes longs. (Rires)

Caro