lundi 28 juillet 2008

Cent ans de solitude de G. G. Marquez

Pour célébrer les 40 ans de son chef-d’œuvre Cent ans de solitude, publié en 1967, Gabriel Garcia Marquez s’était rendu, le 30 mai 2007, à Aracataca, son village natal, le « Macondo » imaginaire du roman. Le quotidien Matin Plus du 4 juin 2007 consacra une page à cet événement et laissa en moi une vive impression : une immense foule ou plutôt une marée humaine avait envahi les lieux, absorbant le moindre espace au point que l’auteur, surnommé « Gabo », alors âgé de 79 ans, ne put librement descendre du train, ni faire quelques pas. Il était lui-même ahuri de cette frénésie, de cette hystérie de la foule. Les yeux humides, il s’exclama : « Regardez tous ces gens... Et après ils disent que c’est moi qui ai inventé Macondo ». Et voilà ma curiosité allumée pour ce ‘‘Macondo’’ et cet auteur élevés au rang de mythe par un public hystérique. « Un instituteur insistait pour s’approcher, furibond, ajoutait le journal, ‘‘Nous sommes venus avec les enfants pour leur montrer Gabo, ils ne l’ont jamais vu, ils pensent même qu’il n’existe pas !’’ » Ce qui est curieux, c’est que cette réaction fait écho dans le roman à la mystification du colonel Aureliano, dont les générations ultérieures crurent qu’il avait été entièrement inventé par le gouvernement...

Ce n’est que cet été que j’ai pu me plonger dans cette œuvre maîtresse de Garcia Marquez, avec qui j’avais commencé par faire connaissance avec Chronique d’une mort annoncée. Il m’était apparu comme un maître du récit. C’est comme si on lui avait dit « raconte ! », et voilà notre maître prêt à tisser des histoires rocambolesques dans lesquelles vous risquez de vous entortiller si vous ne restez pas vigilants.

Cent ans de solitude raconte l’histoire d’une famille, les Buendia, depuis José Arcadio le père, fondateur de Macondo où s’installent aussi d’autres familles qui ont bien voulu le suivre, jusqu’au dernier de sa descendance, Aureliano. Il vaut mieux lire crayon en main et faire une grille des personnages, car entre les garçons, toujours baptisés soit du nom de « José Arcadio » soit de « Aureliano », nom de son second fils, et les filles appelées parfois « Ursula » (nom de l’épouse de José Arcadio père) il faut veiller à savoir qui est qui : fils, petit-fils, cousin, neveu...
On peut se perdre dans la filiation des Buendia comme dans les transformations que subit le village au contact de la modernité : l’apparition des grands moyens de communication, les ‘‘inventions’’ comme le téléphone ou le cinéma, l’industrialisation... transforment tellement le visage et les mœurs de Macondo que cette modernisation peut être considérée comme une mort lente. En effet, les Buendia s’éteignent, tous jusqu’au dernier, conformément aux prophéties du gitan Melquiades, après s’être multipliés à travers des amours marqués par l’inceste ainsi que la répétition du cercle vicieux qui les fait naître.

Cent ans de solitude, c’est un univers épique, fantastique dont la saveur littéraire est relevée par des parodies savoureuses... Monde mythique dont je saisis mieux aujourd’hui l’influence chez Sony Labou Tansi. Bref c’est un roman qui m’attendait depuis longtemps et maintenant c’est chose faite.

dimanche 13 juillet 2008

Les Yeux dans les arbres, Barbara Kingslover

Publié dans le N°14 de la revue Z-E-O : http://pagesperso-orange.fr/z-e-o/
Titre original : The Poisonwood Bible, 1998
Traduit de l’anglais par Guillemette Belleteste, Ed. Rivages, 1999.

Voici un livre qui m’a été gentiment proposé par une dame qui, connaissant mon penchant pour la littérature, me fait partager les lectures qu’elle a appréciées et que je suis aussi susceptible d’apprécier. Barbara Kingslover, je ne connaissais pas auparavant, et je la remercie infiniment de m’avoir fait découvrir cet auteur américain. Si vous hésitez entre plusieurs lectures, croyez-moi, laissez-les tomber, attachez plutôt votre ceinture et préparez-vous à atterrir avec la famille Price dans un village aux confins du Congo-Kinshasa.

Le père, Nathan Price, pasteur baptiste américain, est envoyé là-bas, à Kinanga, comme missionnaire. Naturellement, il emmène avec lui sa femme, Orleanna, ainsi que leurs quatre filles : Rachel, l’aînée, Leah et sa sœur jumelle Adah, handicapée, Ruth-May, la petite dernière. La mère et les filles ne sont franchement pas enchantées de débarquer dans un trou perdu où ne pourra les suivre le confort occidental, mais ont-elles le choix ? Nathan Price dirige sa maison comme un chef militaire, et c’est aussi ainsi qu’il compte convertir les congolais. Obsédé par ses idéaux religieux, il néglige de considérer ceux qui l’entourent, de comprendre leur être profond, leurs coutumes, leurs habitudes, leur manière de penser, ce qui l’aurait infiniment éclairé sur la manière la plus apte à leur faire accepter sa foi. Même ses propres filles, Nathan ne les connaît pas comme devrait les connaître un père. C’est un homme qui, bien que mû quelquefois par de bonnes intentions, se montre malhabile, entêté, rigide, prenant des décisions aux conséquences désastreuses pour les siens.

Les Yeux dans les Arbres raconte donc la tragédie d’une famille aussi bien que celle d’un pays renfermant d’immenses richesses minières, au point de devenir la proie des vautours. Nous sommes dans les années 60. Le Congo aspire à l’indépendance et l’obtient. Barbara Kingslover récrit ces pages de l’histoire postcoloniale du Congo-Kinshasa : elle raconte le combat de Patrice Lumumba, si cher à Tchicaya U Tam’si ; elle met en lumière avec force d’une part l’engagement de tous ceux qui, avec lui, crurent à la liberté et la prospérité de leur pays ; et d’autre part les complicités qui se sont tissées, même là où on s’y attendait le moins, pour bâillonner le peuple et le délester de ce qui aurait dû lui revenir de droit. L’éviction et l’assassinat de Patrice Lumumba, l’accession de Mobutu au trône ainsi que son règne sont racontés d’une manière si réaliste que l’on aimerait dire que c’est un livre historique, s’étendant de 1959 à la fin des années 80.

Le charme de ce roman réside dans la force et la variété du discours construit par chacune des narratrices. En effet, toutes les Price prennent la parole à tour de rôle pour raconter les faits chacune selon sa sensibilité, son degré de maturité, sa perception des choses, offrant ainsi au lecteur des styles variés, des tonalités différentes où dominent tour à tour l’humour, l’ironie, la légèreté, la philosophie, les croyances, la subtilité du langage, les regrets, la conscience de sa couleur...
Oui, s’il existe beaucoup de livres qui évoquent la difficulté pour un Noir de gérer l’hostilité dont il peut faire l’objet dans un univers majoritairement blanc, ce livre montre combien ce peut être aussi le cas pour une personne blanche : Leah, la deuxième fille des Price, épousera l’Afrique au propre et au figuré, acceptant de vivre avec elle pour le meilleur et pour le pire, mais malgré la pureté de ses aspirations, sa peau la désignera toujours aux yeux des Congolais comme faisant partie des oppresseurs...


Voici un extrait des dernières pages du roman :

Le même jour, à cette heure matinale, l’homme Mobutu est couché sur son lit dans sa cachette. Les stores sont baissés. Sa respiration est si ténue que le drap tiré sur sa poitrine ne se soulève ni ne retombe plus : aucun signe de vie. Le cancer a attendri ses os. La chair de ses mains est si profondément effondrée que les os de ses doigts sont parfaitement apparents. Ils ont pris la forme de tout ce qu’il a volé. Tout ce qu’on lui a dit de faire, et plus, il l’a fait. A présent, dans la pièce assombrie, la main droite de Mobutu retombe. Cette main qui a volé plus qu’aucune autre main dans l’histoire du monde, pend, molle, de l’autre côté du lit. Les lourdes bagues d’or glissent vers les phalanges, hésitent, puis tombent, l’une après l’autre.

mardi 8 juillet 2008

Tels des astres éteints, de L. Miano

publié sur grioo.com
Léonora MIANO a la ferme intention d’être un astre qui diffuse sa lumière dans le ciel des belles lettres. Dès L’Intérieur de la nuit, publié en 2005 chez Plon, elle avait retenu l’attention de ceux qui suivent l’actualité littéraire. Nul ne pouvait plus l’ignorer avec l’obtention en 2006 du Prix Goncourt des Lycéens pour Contours du jour qui vient, chez le même éditeur. L’action de ces deux premiers romans se passait en Afrique, avec une présentation des choses qui a pu faire polémique, notamment du point de vue des Africains. Elle revient cette année avec Tels des astres éteints, prenant à bras-le-corps dans ce roman ce qu’on pourrait appeler la « question noire » : comment le Noir est-il perçu ? Comment se perçoit-il lui-même ? Pourquoi les êtres humains ayant la peau la plus foncée du monde semblent-ils avoir plus de mal que d’autres à tisser la toile de leur vie ?

On aura remarqué le changement qu’opère Miano dans ce troisième roman : changement de cadre géographique et j’ai envie de dire d’optique : Alors qu’elle s’était précédemment assignée comme tâche de dénoncer les attitudes, les comportements qui font que l’Afrique s’enfonce elle-même dans une nuit qui semble interminable, elle veut plutôt dans ce dernier roman faire prendre conscience de la valeur de l’être humain, de la valeur des Noirs qui sont des êtres humains comme les autres. Ce sont des astres. S’ils semblent ‘‘éteints’’, il importe pour eux de retrouver l’éclat qu’ils ont perdu, qu’ils recherchent ou qui est tout simplement dissimulé. Face à ce changement, une constante demeure dans les romans de Léonora Miano : l’éclat du verbe.

A travers l’histoire de trois personnages : deux natifs d’Afrique, Amok et Shrapnel et une antillaise, Amandla, le lecteur découvre comment la vie d’un Noir en Europe (d’où qu’il vienne), comment les choix qu’il peut faire, les liens qu’il peut nouer avec les autres, mènent nécessairement au bord de pentes escarpées. En effet rien n’est simple quand on se demande qui on est vraiment et qui l’on veut être. Peut-on véritablement choisir sa vie dans un environnement où même le droit à la parole vous est refusé ?

Le mépris des Noirs et de tout ce qui les caractérise est à ce point généralisé qu’il a gagné même les Noirs eux-mêmes. L’auteur aborde tous les sujets : coiffures féminines à l’européenne, dépigmentation de la peau dont Biyaoula fait une critique féroce dans son inoubliable Impasse. On peut aussi évoquer, comme parenté avec ce roman, la relation complexe avec la mère, thème constant dans les romans de Miano. Aligossi, la mère d’Amandla, connaît une enfance et une jeunesse semblables à celles de Kala, le héros de L’Impasse, qui fut rejeté par sa mère à cause de sa peau trop sombre.
Les ghettos urbains, la discrimination à l’emploi, les semblants d’efforts consentis par les pouvoirs publics pour que les ‘‘minorités’’ soient visibles, à la télé par exemple avec la nomination d’Harry Roselmarck pour le JT de 20h sur TF1, la création du Musée du quai Branly, les mouvements pour la revalorisation des Noirs, les associations de lutte contre le racisme... Tout passe par le regard critique de la romancière.

L’une des grandes qualités de ce roman, c’est la diversité de points de vue. Il n’est pas d’argumentation, aussi savamment menée soit-elle, qui ne se trouve confrontée à une argumentation opposée. Cela se voit d’ailleurs à travers le jeu de croisement de regards qu’on observe dans une partie du roman, où la même scène est successivement décrite par les différents personnages, jeu sur lequel Emmanuel Dongala a construit Johnny Chien méchant.

L’autre élément qui fait la force de ce roman, c’est l’accompagnement musical qui le sous-tend. Le jazz en particulier. Celui-ci rythme le texte, règle ses respirations. Cette célébration du jazz m’a rappelé Trop de soleil tue l’amour, de Mongo Beti.

Bref Littérature et Musique fusionnent dans ce roman pour offrir au lecteur un texte poétique. Un texte philosophique aussi, car il interroge le sens de l’existence, de l’humanité. Il oblige à un face à face avec ses faiblesses, ses compromissions, ses blessures intérieures... C’est un roman profondément humain, qui n’a pas pour prétention de donner LA réponse. Il n’est pas aisé de cerner La thèse défendue par l’auteur. Elle est à débusquer dans les propos des différents protagonistes. Au lecteur de choisir SA vérité, de se forger son opinion. L’essentiel étant de laisser s’exprimer toutes les voix.
Au fond Léonora Miano veut simplement dire que nous sommes tous des hommes, quelle que soit la terre qui porte nos pas, nous avons tous une vie à remplir, remplissons-la avec le meilleur de nous-mêmes.

lundi 7 juillet 2008

Un questionnaire qui circule

Gangoueus me propose de me soumettre à des devoirs de vacances auxquels je ne pensais pas me plier si tôt. Je me suis prêtée à l’exercice. C’est une sorte de connais-toi toi-même en matière de lecture.


1) Quel(s) souvenir(s) avez-vous de votre apprentissage de la lecture ?
Il faudrait fouiller sous les décombres de la mémoire.

2) Vos lectures préférées lorsque vous étiez enfant ?
Ce serait difficile à déterminer car j’aimais tout simplement toutes les lectures qui me tombaient sous la main, ou plus précisément toutes celles que me proposait ou m’offrait mon père. Il était enseignant, l’est toujours d’ailleurs, c’est lui qui m’a appris à marcher sur le chemin de la lecture et à m’éveiller à sa magie, à sa puissance.

3) Aimez-vous la lecture à haute voix ? Comment ? Pourquoi ?
Seulement lorsque j’ai des auditeurs et que ceux-ci sont mes enfants ou d’autres enfants qui deviennent aussi comme mes enfants. Mais pour mes lectures personnelles, j’entends et savoure mieux dans le silence.

4) Votre conte préféré ?
Lequel citer parmi ceux de Perrault, d’Andersen ou des frères Grimm ? « Les fées », peut-être. Je me souviens aussi d’un recueil de contes russes que j’avais appréciés dans mon enfance, ça s’appelait L’oiseau de feu. Il y a également ces contes africains où on rivalise de ruse, par exemple celui ou un père est tellement jaloux de sa fille qu’il ne veut pas la donner en mariage, alors il invente une condition impossible à réaliser : que le futur beau-fils lui offre un mouton ou brebis, je ne sais plus, ni mâle ni femelle. Il se trouve finalement un prétendant qui se présente et dit posséder l’animal, mais que le beau-père devait venir le chercher chez lui, mais ni la nuit ni le jour... Non je crois plutôt qu’il lui demanda de lui fabriquer une corde avec de la fumée pour qu’il la lui ramène ou quelque chose comme ça.

5) La meilleure adaptation cinématographique d'un roman ou d'une pièce de théâtre ?
Celle de Germinal avec Renaud tenant le rôle principal, je ne me rappelle plus le nom du réalisateur.

6) Apprenez-vous par cœur certains poèmes, répliques de théâtre ou passages de roman ?
Je voudrais bien. Pour l’instant je me contente de les relire à satiété ou de les donner à apprendre à d’autres.

7) Avez-vous des livres ou des magazines dans vos toilettes ? Lesquels ?
Non.

8) Avez-vous plusieurs lectures en chantier ? Combien ? Lesquelles ?
Je viens de terminer Tels des astres éteints de Léonora Miano et j’ai entamé Les Yeux dans les arbres de Barbara Kingslover. Deux autres romans de cet auteur attendent de passer entre mes mains : Les cochons au paradis et L’Arbre aux haricots. Mais il y a déjà, depuis un bon moment, Cent ans de solitude de Garcia Marquez et deux autres classiques que je connais sans les avoir encore vraiment lus. Oserais-je les citer ? Oui, à ma grande honte : Roméo et Juliette de Shakespeare et Notre-Dame de Paris, de Hugo. Va falloir que je rajoute Toni Morrison, d’après ce qu’en dit Gangoueus.

9) Le poète que vous ne cesserez jamais de relire / de vous réciter ?
Baudelaire, je crois.

10) Le livre que vous avez lu le plus rapidement ? Le plus lentement ?
Il y en a eu plusieurs, selon les ‘‘saisons de lectures’’, une saison pourrait correspondre à une année, un peu plus ou un peu moins, cela dépend. Si je me réfère aux dernières saisons, parmi ceux que j’ai avalés, je citerai Les derniers jours de Pompéi d’Edward Bulwer-Lytton, Kaveena de B. B. Diop. Celui que j’ai lu le plus lentement ? Voyons... en fait il faudrait savoir ce qu’on entend par lentement, ou préciser les causes de ce ‘‘lentement’’ : manque de temps ? d’intérêt ? volonté de bien comprendre le livre qui semble difficile ? La réponse va être différente selon le cas...

11) Le(s) livre(s) que vous ne rangez jamais dans votre bibliothèque et qui traîne(nt) toujours ?
Comme Gangoueus, ma bible, ou mes bibles, j’ai différentes versions en français, une en kikongo, une autre en lingala, et une en anglais, pour celle-ci je me disais que ce serait un bon moyen de me familiariser avec la langue de Shakespeare, encore faudrait-il que je m’y mette régulièrement, ce qui n’est pas le cas.

12) Préférez-vous les éditions de poche aux éditions originales ? Pourquoi ?
Tant mieux si je possède l’édition originale, mais franchement cela m’importe peu, ce qui compte c’est l’avoir, en poche ou pas, neuf ou d’occasion, j’ai plein de livres d’occasion d’ailleurs, portefeuille oblige ! En fait c’est plutôt une question financière. Il y a même des livres que je n’ai lus qu’en bibliothèque, n’ayant pas encore eu l’occasion de les posséder moi-même.

13) Quel est votre rapport physique à la lecture ? Debout ? Assis ? Couché ?
Cela dépend des moments. Je pratique régulièrement toutes les positions.

14) Vos lectures sont-elles commentées « crayon à la main » ?
Très souvent, voire presque toujours, sauf lorsque le livre ne m’appartient pas, dans ce cas, j’ai toujours une feuille insérée à l’intérieur sur laquelle je note mes remarques.

15) Offrez-vous des livres ?
De temps en temps.

16) La plus belle dédicace ? (Qu'elle soit de l'auteur ou de celui/celle qui vous l'offrît)
Celle de Florent COUAO-ZOTTI sur mon exemplaire des Fantômes du Brésil, elle témoignait tant de sympathie et de simplicité ! Elle commence par « Pour le plaisir de vous savoir des miens ». Florent COUAO-ZOTTI n’est absolument pas du genre à mépriser les nouveaux venus en littérature, même ceux qui ont encore un bon bout de chemin à faire avant la reconnaissance du public.

17)Quel est votre rapport sensuel au livre ? (son odeur, sa texture, le son des pages tournées, …)
Parfois la couverture peut provoquer certaines sensations, qui me font tourner et retourner le livre un bon moment ou plusieurs jours durant avant de me décider à plonger dedans. Oui, parfois je me plais à tourner autour du pot pour prolonger le mystère, avant de briser celui-ci...

18)Quel(s) est (sont) le(s) auteur(s) dont vous avez lu l'œuvre intégrale ?
Ouh là ! Il faut que je réfléchisse bien, car œuvre intégrale veut bien dire œuvre intégrale et qu’on a lu vraiment tout de l’auteur, tous genres compris. Dongala je crois, Lopes aussi, ah ben non, je n’ai pas encore lu son essai Ma grand mère bantoue et mes ancêtres gaulois, mais tous ses romans oui, comme tous les romans de Mabanckou ; je pourrais aussi citer les Molière, à quelques exceptions près, bref, c’est toujours approximatif... Ah si je peux répondre sans me tromper : j’ai lu tout Yambo Ouologuem (rires).

19) Un livre qui vous a particulièrement fait rire ?
Il y en a eu plusieurs. Le premier qui me vient à l’esprit est 53cm, de Bessora. Je ris beaucoup également avec celui que je suis en train de lire.

20) Un livre qui vous a particulièrement ému ?
Au nom de tous les miens, de Martin Gray : on voit comme un homme peut se relever du pire acharnement du destin. Black Boy de Richard Wright : combien l’écriture a un sens, quelle libération de la parole ! Ah si ! j’aimerais citer African Lady, de Barbara Wood, que j’ai lu il y a de cela de longues saisons de lecture, alors que j’étais encore au pays. Il faudrait que je m’en achète un autre et que je le relise !

21) Le livre qui vous a terrifié ?
Si c’est un homme de Primo Lévi.

22) Le livre qui vous a fait pleurer ?
Pour moi les questions 20 à 22 ont quelque chose en commun. Mes yeux larmoient facilement au cours de mes lectures. Et j’ai larmoyé devant l’ingratitude et l’hypocrisie humaines dans Boule de suif de Maupassant, entre autres.

23) L'avertissement / l'introduction qui vous a le plus marqué ?
Les imprécations de Primo Levi contre les oublieux de la déportation, dans le texte en forme de poème intitulé si « c’est un homme » qui précède le récit. Voici quelques extraits :
Vous qui vivez en toute quiétude
Considérez si c’est un homme
Que celui ...
[...]
Considérez si c’est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu’à la force de se souvenir
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver
N’oubliez pas que cela fut
[...]
Ou que votre maison s’écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.

24) Le titre le plus marquant / original / décalé / astucieux ?
Gangoueus m’a mise sur les traces de Sony. Je citerais quelques uns de ses titres : La vie et Demie, La parenthèse de sang, Je soussigné cardiaque. Je citerais « Eve de ses décombres » d’Ananda DEVI.

25) Décrivez votre (vos) bibliothèque(s).
Ils sont dans le bureau, entassés les uns sur les autres, ici et là, formant des pyramides qui se font et se défont régulièrement. J’aimerais y mettre de l’ordre...

26) Le(s) livre(s) dont vous vous êtes finalement débarrassé(s) ?
Je ne me débarrasse jamais de mes livres, même ceux que j’apprécie moins. Quand j’en offre, cela veut dire que j’en possède moi-même un exemplaire.

27) L'endroit le plus insolite où vous lisez ?
Je dirais comme mademoiselle Frog : Dans la rue, en marchant. Alors que j’avais autour de 15 ans, je m’étais fait voler ma casquette ainsi. Cela a tempéré cette habitude un bon moment, mais je ne m’en suis pas complètement défait.

28) Il ne vous reste que trois jours à vivre, que souhaitez-vous lire ou relire ? Comme Gangoueus, ma bible.

29) Votre livre d’art préféré ?
En ai-je lu suffisamment pour en élire un ?

30)La bibliothèque idéale ?
On a présenté un jour à la télé la biblio de Karl Lagarfeld, elle fait envie... Mais j’espère pour qu’il les a tous lus, ou du moins 90% de ces livres...

31) L'incipit qui vous a le plus marqué.
Me vient à l’esprit celui du Vieux qui lisait des romans d’amour, de Sepulveda.

32) La fin qui vous a le plus marqué.
Celle de Don Alvaro ou la force du destin, de Rivas. Le bonheur était si proche, la réalisation de ses désirs les plus chers ne tiennent parfois qu’à très peu de choses, sans que l’on s’en doute, mais...

Tata Nkodia, veux-tu bien te prêter au jeu ?

vendredi 4 juillet 2008

Je m’en vais, d’OZOUA

Entretien publié dans AMINA n°459 de juillet 2008

Le cinquième recueil de poésie d’OZOUA s’intitule « Je m’en vais ». Il compte une trentaine de courts poèmes dont le premier vers reprend toujours le titre. En réalité, tous ces poèmes peuvent être lus comme un seul poème, un long poème ponctué régulièrement d’un refrain : « je m’en vais », qui exprime à lui seul toute la volonté, la détermination de l’auteur à faire entendre raison à ce monde qui semble s’égarer de plus en plus vers l’injustice, la cupidité, l’inconscience totale. Le titre « Je m’en vais » traduit le refus de l’immobilisme, de la passivité, le refus du silence face à tant de maux.

OZOUA, qui êtes-vous ?
Je suis écrivaine et poétesse martiniquaise, amoureuse de la vie, des mots et de la beauté. Je suis Francilienne depuis de très longues années et citoyenne du monde puisque la poésie n'a pas de frontières.

Pourquoi avoir choisi ce pseudonyme ? Que représente-t-il pour vous ?
C'est lors d'un de mes voyages en Côte d'Ivoire que ce pseudonyme m'a été attribué suite à ma demande de porter un prénom africain. Ozoua signifie en langue bete de Côte d'Ivoire « une femme qui se fait remarquer par sa beauté, par ses qualités, en somme une femme exceptionnelle ». C'est un prénom d'une grande noblesse. Il représente beaucoup de choses pour moi. C'est d'abord la réappropriation de mon identité, de ma culture et de mes valeurs nègres puisque de par notre histoire nous avons été arrachés, coupés de la terre mère, de la terre de nos aïeux. Ce prénom donné par un africain du continent signifie qu'il m'accepte comme faisant partie de sa famille, comme sa soeur. C'est retrouver ses racines les plus profondes.

Pourquoi écrivez-vous des poèmes ?
Parce que c'est cette forme littéraire qui s'est imposée à moi. J'ai commencé très jeune à écrire des poèmes.

Justement vous avez essentiellement publié de la poésie jusqu’à ce jour, 4 recueils déjà, ainsi qu’un ouvrage collectif que vous avez initié, Anthologie Hommage à Aimé Césaire Symphonies Nègres, qui est aussi un recueil de poèmes de différents auteurs dont vous-même, vous laisserez-vous tenter par la prose également ?
Je ne tiens nullement à m’enfermer dans la poésie, mon souhait est de m’ouvrir à d’autres genres. Mais il faut dire aussi que mes poèmes ne sont pas soumis aux règles de versification, ils empruntent beaucoup à la prose.

En fait votre recueil fait voler en éclat la barrière qui pourrait exister entre la poésie et la prose, c’est une autre manière de faire découvrir ou de faire aimer la poésie à des lecteurs qui de nos jours sont plus des lecteurs de romans et autres récits…
En effet, mes écrits peuvent être compris par tous. La poésie, c'est la vie et ne peut être réservée à une élite.

« Je m’en vais » est plutôt un recueil de poèmes engagés : vous dénoncez tout ce qui fait que notre monde ne soit pas un lieu où il fait bon vivre. Pensez-vous être entendue ? Votre parole ne va-t-elle pas se perdre dans l’indifférence générale ?
Le poète est sensible à tout ce qui l’entoure et a un esprit critique sur les faits de société. Il est donc à même de sensibiliser l’autre sur des thèmes divers comme la tolérance, la nature, l’environnement. C’est un porte-parole, un témoin des évènements passés et présents. C’est un voyant, un visionnaire, il pressent l’avenir. Il est garant d’une mémoire. Le poète a un rôle de passeur, il est porteur de messages. Il fait prendre conscience des valeurs humanistes. On l'a souvent considéré comme un rêveur, une personne en décallage avec son temps. Alors qu'il est un éveilleur des consciences et vit de plein pied dans la réalité de son temps.
La voix du poète porte toujours car il est relié à l'univers donc les paroles qu'il lance ont des retombées. Je suis sûre d'être entendue, même si je ne vois pas les effets là où je me trouve. Mais dans un endroit du globe, ma parole se réalise. Donc, ma parole ne se perdra pas dans l'indifférence générale. Des actions sont mises en place chaque jour pour apaiser les maux de l'humanité. Mes écrits s'inspirent pour certains, d'évènements passés sous silence, tus par les médias et dont il n’est pas de bon ton d'en parler.

A la fin des poèmes consacrés à la tragédie de certains peuples, comme le poème « Vous parler du Darfour », vous mettez l’adresse de sites où le lecteur pourrait s’informer sur la question et aussi sur les moyens de venir en aide aux personnes concernées. D’où vous vient cet humanisme ?
Je suis femme avant tout et poétesse. Comme je l'ai dit plus haut le poète est sensible à ce qui l'entoure. Mon humanisme vient de cette sensibilité que j'ai.

Vous abordez différents sujets dans votre livre : violence faite aux femmes, écologie, dictatures, armement nucléaire… Qu’est-ce qui vous révolte le plus ? Quelle devrait être, selon vous, la priorité pour l’humanité ?
Ce qui me révolte c'est cette inhumanité, cette violence. J'ai l'impression que de jour en jour il y a une progression à la violence. Ce qui m'insupporte le plus ce sont les attaques faites aux plus faibles, des personnes qui ne peuvent se défendre (enfants, handicapés...). C'est de la lâcheté. La priorité selon moi, pour l'humanité serait le retour aux valeurs, au respect, à leur enseignement et à leur transmission.

Il y a un poème dans le recueil dont vous proposez deux versions, une française et une créole, il s’agit de « Je m’en vais » autrement dit « Man ka pati », qui fait écho au titre du livre. Pourquoi cette irruption du créole dans le texte français ?
Tout simplement c'est parce que je l'ai accouché en créole. Tous mes poèmes pensés en créole restent en créole et sont ensuite traduits en français.

Un dernier mot ?
Ce serait inviter les personnes qui n'ont pas encore découvert mes ouvrages à le faire sans hésiter.

mercredi 2 juillet 2008

Nouveau blog

Il y a un an, le 26 juin 2007, j'essayais cet outil de communication et de diffusion qu'est le blog. Il s'agissait surtout pour moi de créer une page web qui sauvegarderait les papiers que je publie de temps en temps dans la presse papier ou électronique.
Puis je me suis prise au jeu du dialogue qui s'établit naturellement avec les autres, car certains ont voulu établir ce dialogue,à ma grande joie.
Malheureusement pour moi, l'hébergeur de mon blog, limite les intervenants à ceux qui possèdent un compte aol. Les autres étaient obligés d'utiliser mon adresse personnelle pour m'envoyer des messages.
Je me vois donc contrainte de construire une autre maison, capable elle d'accueillir tous ceux qui souhaiteront me rendre visite. A tous ceux-là je dis d'avance : Bienvenue !