vendredi 29 octobre 2010

La petite Malika, de Mabrouck Rachedi et Habiba Mahany

Le 15 septembre dernier, c'était soirée dédicace pour le roman La Petite Malika, dernière publication de Mabrouck Rachedi, qu'il signe avec sa soeur, Habiba Mahany.  C'était au Sezam Café, dans le deuxième arrondissement de Paris. Devant le Sezam Café, ce soir-là, c'était comme devant une boulangerie aux heures de pointe : il fallait faire la queue ! La bonne odeur du roman à savourer se répandait agréablement au dehors et nous étions tous contents d'attendre notre tour pour obtenir une dédicace. Il faut dire aussi que le boulanger et la boulangère de service avaient ce je ne sais quoi d'irrésistible, comment ne pas succomber à leur charme ? Ca sentait trop le bon pain de l'amitié pour ne pas m'arranger à être de la fête, même avec ma petite fille d'un an et demi dans les bras, qui a eu l'honneur de manipuler les exemplaires du roman, donnant du travail à la gentille dame qui en avait la charge.

Mabrouck, je le lis souvent, à travers ses chroniques, que j'adore. J'ai parlé il y a quelques mois de celle consacrée au roman L'Attrape-coeurs de Salinger, chronique qui avait paru dans le quotidien Métro. Je vous invite à lire celle qu'il a publiée sur la coupe du monde :
 http://metrofrance.com/blog/nouvelleracaillefrancaise/2010/06/15/la-coupe-du-monde-est-a-moi/

Habiba a publié Kiffer sa race chez Lattès, en 2008, et Mabrouck Le Poids d'une âme en 2006 et Le Petit Malik, en 2008, chez le même éditeur. Alors avec La Petite Malika, on pense tout de suite au Petit Malik, qu'on est donc invité à lire si on ne l'a pas encore fait. 


Le roman est en quelque sorte le journal de la vie de Malika, que celle-ci nous raconte de manière chronologique, depuis ses cinq ans jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Chaque chapitre du roman correpond à une année d'existence. Une année d'expériences. Et Malika, jeune surdouée habitant une cité de banlieue, en a à partager. Entre l'école où elle est un phénomène pour l'équipe éducative et les copains pour qui elle est une fille singulière ; la cellule familiale qui se recompose au rythme des compagnons qui se succèdent les uns aux autres dans la vie de sa mère ; la vie qui dans le quotidien français se perçoit à l'aune des origines, Malika a, en effet, de quoi écrire un livre, comme l'exprime la dernière phrase du roman.

Malika a eu un parcours remarquable, elle a sauté plusieurs fois de classe, les portes des grandes écoles lui ont été ouvertes, elle a pu choisir son métier, ce qui n'est pas donné à tout le monde, en particulier aux jeunes des cités, issus de l'immigration qui plus est. Mais faut-il être hyper douée pour espérer un avenir qui épouse les contours de ses rêves ? Ce roman est une sorte de reconnaissance de l'intelligence et de la valeur qui sont souvent tapies dans les cités, même si la société, elle, ne veut pas le voir. Etre un jeune des cités ne veut pas forcément dire être un paumé, cela rime également avec réussite, mais le destin de Malika est peu commun, et on aimerait davantage que, sans être extrêmement bon, en étant bon élève tout simplement, la jeunesse citadine puisse également entrevoir la possibilité de percer dans les milieux réservés d'ordinaire à une certaine couche de la société seulement.

Le roman ne manque pas d'humour et j'ai bien aimé la manière de conter de Malika, dont la culture littéraire (solide culture philosophique surtout) permet des références savamment insérées dans son récit, comme celle au célèbre poème de Rimbaud, "Le Dormeur du Val" :

Les baisers se réduisaient à de simples échanges de salive, la moiteur et l'abandon semblaient étrangers à ce corps froid dont les parfums de l'amour ne faisaient pas frissoner la narine. (p. 108)

Plus loin, c'est un clin d'oeil à Baudelaire : "Manuel, c'était le tryptique luxe, calme et volupté" (p. 170), on pense évidemment à "L'Invitation au voyage".

Mais le top, c'est l'utilisation de quelques vers du Bourgeois gentilhomme de Molière pour montrer les différentes manières de réagir face à un sénateur qui sort d'un débat télévisé avec un homme politique du parti opposé. Les autres stagiaires caressent le sénateur dans le sens du poil, Malika, elle, lui dit sans détour quels étaient ses points faibles durant le débat.

Je ne vous en dis pas plus, succombez comme moi au charme de La petite Malika et au double sourire des auteurs.

Juste un dernier mot sur le cocktail-dédicace : celui-ci était gâté par la présence de gens de mauvaise réputation, je veux parler d'un gangster en particulier. J'ai dit Gangster, alors vous devinez bien de qui il s'agit ? Gangoueus bien évidemment ! Il sème la terreur dans tous les milieux littéraires parisiens. Si vous avez le malheur de croiser sa route, il vous prend à partie et vous discutez ferme, vous discutez littérature. C'est le sort qui m'a été réservé, ce mercredi 15 septembre. Alors vous êtes prévenus, si Gangoueus, le Gangster des lettres, rôde dans le coin, gare à vous !
Sa critique du roman :

                                    Liss et Gangoueus

7 commentaires:

GANGOUEUS a dit…

Ben mince alors, je pensais que tu allais mettre la superbe que j'ai réalisée du sieur Rachedi et toi...

C'est une très belle critique avec les mêmes questions qui me sont restées à l'esprit. Malika est le pendant de Malik.

La question que je me suis également posé est celle de savoir à quel moment, c'est la patte de Mabrouck et à quel moment c'est celle d'Habiba Mahany...

Liss a dit…

J'ai eu un souci technique pour les photos, et puis la photo que tu as prise est tellement superbe que je la garde au chaud (lol!)

J'a relu ton article et je me rends compte que l'interrogation finale est pratiquement la même. Aurais-je gardé dans mon subconscient des souvenirs de ma première lecture de ton papier ?

J'avais demandé à Mabrouck comment ils avaient fait pour écrire à quatre mains. S'étaient-ils répartis les chapitres, en fonction de leur sensibilité respective(masculine ou féminine)... ? Une expérience à tenter, peut-être, dans le domaine de la critique ?

zarline a dit…

Comme toi, je trouve toujours étrange ces livres écrits à quatre mains... Bref, le livre ne me tente que moyennement mais cette photo est très sympa. Bonne journée Liss

St-Ralph a dit…

Une belle sortie parisienne, à ce que je vois ! Croyez-moi que je vous envie ! Je n'ai pas lu "Le petit Malik", mais ce titre me dit quelque chose. Bravo à tous les deux de rester attentifs à la vie littéraire parisienne.

Liss a dit…

@ Zarline,

Difficile, en effet, de se dire, en lisant ce roman : "c'est du Mabrouck Rachedi", ou "c'est le style de Habiba Mahany" comme on pourrait reconnaître du Couao-Zotti par exemple, or moi j'aime bien me familiariser avec l'écriture d'un auteur.
Ceci dit, le livre est agréable à lire et je pense que tu pourrais y trouver ton plaisir si tu te laissais tenter.


@ St-Ralph,

Eh oui, nous autres parisiens (oui, moque-toi) on en profite bien ! On attend le jour où tu troqueras ton habit de provincial contre celui de parisien au moins le temps d'un week-end.

Nymphette a dit…

J'ai été un peu déçue par ce roman qui tire les ficelles faciles... Finalement, parler d'un côté, d'une petit racaille sans avenir (Malik, dont je n'ai pas lu les aventures, mais c'est ce que j'ai compris de l'article de Gangoueus) de l'autre, la petite surdouée qui décide de se dévouer à sa cité... un petit goût de caricature quand même, non?

Liss a dit…

Nymphette,

je conviens avec toi que la fin est plutôt surprenante, les auteurs l'ont un peu idéalisée. D'une part j'apprécie qu'ils aient voulu mettre en valeur la jeunesse des cités, d'autre part je me dis que, de Malik à Malika, ils sont passés d'un extrême à l'autre : on a peu de chance de rencontrer une Malika dans la vraie vie. Non pas qu'il n'existe pas autant de surdoués parmi les jeunes dont les parents viennent d'ailleurs que les autres, mais qui acceptent de tourner le dos à une carrière plus brillante pour se consacrer à la cité, ça je ne sais pas si ça court les rues.