dimanche 19 septembre 2010

Des poèmes dans le monde, de Gloria F. Mbemba-Servajean

Voici une toute jeune fille qui n'attend pas d'être grande pour montrer sa valeur. Elle vient de publier un recueil de poèmes qu'elle destine « aux enfants du monde entier ». La diversité des thèmes des poèmes touchera en effet tous les enfants, d'où qu'ils viennent ; et les grands n'y seront pas insensibles s'ils savent écouter cette voix enfantine qui dit les choses avec des mots simples mais pleins de vérité et d'espoir.


Gloria Fanny célèbre la nature, elle nous parle du temps qu'il fait, des arts, de ses activités, mais ce qui domine l'ensemble, c'est le monde animal. Comme dans les fables, les animaux reflètent la société humaine. Ou plutôt Fanny exprime, de façon consciente ou inconsciente, son désir de voir sa famille, la famille de chaque enfant du monde en général, heureuse et unie, comme on peut le voir dans ce poème intitulé « Lion, Lionne et Lionceau » :
Lionceau joue dans le jardin
Lionne est allée faire des courses
Lion dévore deux champignons
Dans la maison

A l'heure du déjeuner
Ils se retrouvent tous les trois
Autour d'un bon repas

Si les adultes ne saisissent pas le message contenu dans ce poème, Gloria se montre plus directe vers la fin du recueil, car avec les grandes personnes, on ne sait jamais, elles se disent « grandes » mais ne comprennent rien à rien, il faut toujours leur expliquer les choses, Antoine de Saint-Exupéry l'a si bien exprimé dans son admirable Petit Prince que je vous invite à lire ou à relire. Ecoutons Gloria :

Bébé a sommeil
Maman lui raconte une histoire
Papa lui fait un câlin
Et il s'endort bien vite

Alors chers papas, chers mamans du monde entier, pensez à entourer vos enfants de tout votre amour et de votre présence pour qu'ils grandissent. Le papa et la maman de Gloria sont les premiers interpellés.


Gloria parle beaucoup des couleurs également, et ce n'est pas anodin :

Noir, Blanc et marron
Sont mes couleurs préférées
Mais celle que j'aime le plus
C'est le marron
Parce que ma peau est marron
[…]
La couleur blanche
Et la couleur noire
Font un enfant qu'on appelle métisse.

Par moments, les poèmes de Gloria prennent l'allure d'un journal intime qui recueille ses confidences, comme dans le poème « Chez le dentiste » :

J'ai huit ans
Et je n'arrive pas
A arrêter de sucer mon pouce.

Bref, vous trouverez dans ce recueil des textes qui ne manqueront pas de vous faire réfléchir.


Gloria Fanny Mbemba-Servajean, née en 1999. Passionnée de voyages, de musique et de danse.

Des Poèmes dans le monde, Editions Bénévent, 2010, 10 euros.

vendredi 17 septembre 2010

Le Vieil homme sur la barque, de Fatou Diome

Fatou Diome est un arbre qui produit des fruits juteux et savoureux. J'ai lu Le Ventre de l'Atlantique et Ketala avec un bonheur égal. Alors quand, au hasard de mes commandes de livres sur le site de la fnac, je suis tombée sur ce titre : Le vieil homme sur la barque, je me suis dit : "chouette ! le dernier Diome vient de sortir", et j'ai ajouté ce titre à mon panier. Je trouvais tout de même bizarre qu'il ne coûte que 8 euros, mais bon, je n'ai pas réfléchi davantage, "De quoi te plains-tu ? On te vend un Diome à 8 euros, alors profites-en !", me suis-je dit. J'ai bien essayé d'en savoir un peu plus sur cette dernière parution, mais d'indications, je n'en ai trouvé aucune, nombre de pages, genre etc. Seul était apparent le lien avec Hemingway ainsi que le grand-père de l'auteure, qui fût pêcheur. Hemingway a suscité, ou plutôt suscite beaucoup d'hommages, Sami Tchak par exemple lui en rend un également dans son roman Hermina.
*


J'avoue donc que, lorsque j'ai reçu le livre, j'ai eu l'impression d'avoir été trompée : "Quelle arnaque ! Ce n'est pas le dernier roman de Diome, c'est juste un petit texte !" C'était en effet un texte bref, publié dans une collection "qui se propose de réunir des textes ne relevant d'aucun genre particulier". J'ai failli regretter mes 8 euros que j'aurais préféré investir dans l'acquisition d'Inassouvies nos vies, par exemple ! Mais bon, c'était du Diome, alors je m'attendais à en avoir pour mon compte.


Ainsi je reprends mes propos du début : Avec Diome, longs ou courts, les textes vous rassasient de leur jus. Le Vieil homme sur la barque se lit en un souffle, mais c'est un souffle tout plein de fraîcheur et de beauté, c'est un souffle qui vous fait prendre de la hauteur et vous invite à considérer les choses d'une manière plutôt céleste. Goûtez donc ceci :


Altitude ! Soudain, un texte vous porte et vous hisse au sommet de la nature humaine. Altitude ! Le Kilimandjaro est si minuscule devant nos monts intérieurs. [...]

Lire, c'est oser le vertige. On peut lire, comme on s'incline, révérencieux, ébloui par la fulgurance d'un bel esprit. [...]

Errance ! On peut lire comme on explore [...] Mais que serait mon élan, sans mon antan ? Memoria ! Le mât qui tient la voile a toujours besoin d'un socle solide. On peut donc lire comme on se souvient, car derrière chaque livre on lit d'autres livres, parfois jamais écrits, mais tapis au fond de nous. Jour de lecture, jour de rencontre, jour de réveil. Qu'on nous frotte les yeux ! Parfois, démiurge, un auteur lève un rideau et vous dévoile tout ce que vous ignoriez en croyant connaître un être cher. C'est Hemingway qui m'a tout appris du courage, de la volonté, de l'abnégation, de la dignité, de la condition de mon grand-père, pêcheur niodiorois.

Alors quand on me parle de l'identité d'un écrivain, je réponds : foutaise ! Lire un auteur par et pour ses origines n'est que pure hérésie littéraire. La fragilité de l'humain, les questions existentielles et la vision du monde que les bons auteurs savent nous transmettre rendent toutes les frontières poreuses. [...] Nous sommes dispersés sur le globe, mais la littérature nous tisse des liens. Gens de même lecture, gens de même sensibilité au monde, gens de même révolte, gens de même quête. Par le livre, on se trouve des dénominateurs communs et on se reconnaît, au-delà des petits tiroirs identitaires. Jésus reconnaîtra peut-être les siens à leur bibliothèque"

(Le Viel homme sur la barque, pages 18-22)


Ne soyez pas trop gourmands, je ne vais pas vous servir tout le texte, tout de même, voyons ! Faites comme moi, achetez Le vieil homme sur la barque, une jolie perle, et achetez en plus le vrai dernier roman de l'auteur : Celles qui attendent, dont on m'a dit le plus grand bien. Pas étonnant, c'est du Diome ! (Il y a une video sur le site de la fnac, à la page du livre Celles qui attendent, mais je ne sais comment copier le lien)
Fatou Diome, un bel esprit !

Le vieil homme sur la barque, Naïve, Collection Livre d'heures, avril 2010, 48 pages.