mercredi 13 janvier 2010

Eldorado, de Laurent Gaudé

Voici un roman qui vous invite au voyage. Voyage entre l’Afrique et l’Europe. C’est un voyage qui fait mal. C’est notre corde sensible qui aura mal de voir des vies lacérées par le tragique.

De quoi donc parle Eldorado ? De l’immigration clandestine.

Un nombre toujours croissant de migrants essaie chaque jour de pénétrer dans la citadelle Europe, l’Eldorado, dont les portes sont jalousement gardées par des hommes chargés d’intercepter et de refouler ces intrus, ces indésirables. Mais ces intrus, qui sont-ils ? Ce sont des hommes et des femmes, avec chacun leur histoire, leurs rêves, ce sont des êtres humains ! Laurent Gaudé essaie de donner un visage à ces milliers de clandestins, il essaie de traduire la souffrance qui leur fait quitter leur famille, leur pays, leur vie, pour cet ailleurs censé changer leur destin.

Et ces gardiens de l’Europe, qui sont-ils ? Ce ne sont pas moins des hommes, avec des cœurs qui n’ont pas perdu la faculté de reconnaître la souffrance, la douleur, la misère. Simplement, d’un côté comme de l’autre, chacun fait ce qu’il a à faire.

L’histoire bouleversante du commandant Salvatore Piracci montre combien une vie tranquille et cadrée peut insidieusement s’user au spectacle permanent de vies et d’espoirs qui se brisent devant soi. Salvatore Piracci finit par haïr sa profession. Il représente l’autorité, mais le confort que peut représenter cette position lui semble vain soudain, sa vie lui semble vide depuis sa rencontre avec ‘‘la femme du Vittoria’’. Cette femme, il l’avait sauvée, avec d’autres rescapés du bateau clandestin Le Vittoria, d’un péril certain en mer. Les douleurs physiques et morales connues par cette femme lui sont contées. D’autres douleurs sont contées au lecteur, celles de Soleiman, Boubakar…

En comparaison, le commandant Piracci peut se considérer comme ayant une belle vie, pourtant il se rend compte qu’il ne vaut pas un seul de ces clandestins qui bravent l’œil impitoyable de la mort pour un destin meilleur. Ceux-là sont riches d’espoir, riches d’une volonté inébranlable. Ils partent toujours à l’assaut des frontières de l’Europe, malgré les échecs innombrables. Salvatore Piracci jettera ses vingt ans de carrière à l’eau pour épouser la condition des immigrants.

Ce sont donc, dans Eldorado, deux écrans qui sont placés sous les yeux du lecteur. Deux volontés contradictoires. Deux trajectoires croisées. D’ailleurs les destins se croiseront l’espace de quelques minutes.

Le texte est poignant, profond, poétique. On s’y laisse engloutir avec plaisir.
Retrouvez cette de lecture sur Exigence littérature :

6 commentaires:

zarline a dit…

Encore un livre qui traine dans ma PAL depuis longtemps. Ton billet me rappelle que je devrais lui accorder plus d'attention.

Liss a dit…

C'est une belle lecture, Zarline, émotion garantie.
Au plaisir !

Obambé a dit…

Bonjour,

J’avais « rencontré » cet auteur via son best-seller, La mort du roi Tsongor. Il paraît qu’il n’avait jamais mis les pieds en Afrique avant ce chef d’œuvre ! Chapeau Bakoua !!! Je suis passé ensuite à La porte des enfers : un remarquable livre qui m’a emporté ! Ce garçon est vraiment talentueux. Je pense que je vais mettre Eldorado sur ma liste de ce 1e semestre 2010. Merci pour ce texte qui motive encore plus.

@+, O.G.

Liss a dit…

Cher Obambé,

St-Ralph m'a parlé d'une autre lecture de lui que je me suis empressée de commander. C'est un des auteurs français contemporains que j'apprécie tout particulièrement.

Nicolas a dit…

J'ai été assez déçu par ce roman. Je m'attendais à quelque chose de plus marquant. J'ai largement préféré Le soleil des Scorta.

Liss a dit…

Bonjour Nicolas,

Comme je n'ai pas encore lu le Soleil des Scorta, je ne peux pas comparer.