mardi 13 juillet 2010

Les petits garçons naissent aussi des étoiles, de Dongola

Si je vous dis : "14 juillet", vous dites ?... Oui, la fête nationale française, bien sûr, mais encore ?... En littérature par exemple, à quoi ou à qui vous fait penser cette date ? ... Non, vous ne voyez pas ? C'est compréhensible, car moi-même je n'en suis pas sûre. En effet, si j'en crois wikipedia, et l'on sait qu'il faut être vigilant lorsqu'on récolte des infos sur wikipedia, Emmanuel Dondala est né le 14 juillet 1941. Ailleurs, sur Babelio.com, ce serait le 16 juillet. Mais que ce soit le 14 ou le 16, ce qui est certain, c'est que c'était en juillet. Et puisque nous y sommes, je ne résiste pas à l'envie de vous parler de lui, je veux dire de l'un de ses romans, mon préféré, pour être plus précis : Les petits garçons naissent aussi des étoiles. Ceci dit, je n'ai pas encore lu Photo de groupe au bord du fleuve. Mais, à l'heure où l'on parle justement de ce dernier roman de l'auteur, paru tout récemment, il est bon de rappeler ses anciennes publications, j'ai envie de dire ses anciennes amours. Ma lecture des Petits garçons naissent aussi des etoiles, il y a dix ans, fut une belle histoire d'amour.


Il s'agit, dans ce roman, du récit de Matapari, un garçon de quinze ans, éveillé, habité par une soif de connaissance, un désir de comprendre aussi effréné que le monde qui l'entoure est complexe. Il nous fait revivre des épisodes de sa vie : sa naissance très peu ordinaire (dernier-né de triplés, il vient au monde deux jours après ses frères, à la surprise générale), ses discussions avec son père, sa complicité avec l'oncle Boula Boula... "Je pense vraiment que chaque personne a comme moi une histoire à raconter" dit-il (p. 191). Cependant, l'histoire de sa vie est indissociable de l'histoire du pays. La politique, particulièrement mouvementée, a eu un impact plus ou moins considérable sur chacun, chez l'enfant encore plus vivement que chez l'adulte, surtout lorsqu'il a été témoin de ces péripéties générées par la politique, et qui ébranlent le cours normal de la vie. Du régime monopartite à l'avènement de la démocratie en passant par la Conférence nationale, Matapari a bien des choses à dire ou plutôt bien des questions à nous soumettre. Tout en nous familiarisant avec son entourage, il nous fait part de ses observations.

Dans ce roman, qui reçut le Prix RFI-Témoin du monde en 1998, Emmanuel Dongala livre le regard d'un enfant sur les incohérences de la politique dans son pays.

Voici une des réflexions de Matapari, faite sur le ton de l'innocence, mais derrière laquelle on devine l'auteur qui ironise sur la situation politique de son pays, sur les hommes politiques en particulier, dont l'activité semble se résumer à la production de discours.
"Notre pays était peut-être un petit pays pauvre en développement industriel, en ressources financières, en équipements sanitaires, en tout ce que vous voudrez, mais il était grand et abondamment doué en hommes politiques exceptionnels capables de le diriger afin de sortir de l'ornière du sous-développement. Tous avaient leurs solutions pour transformer le pays en un petit pays d'Europe occidentale prospère. Le seul mystère pour moi était que je n'arrivais pas à m'expliquer pourquoi nous étions encore dans une telle misère quand apparemment tant de monde avait tant de solutions miracles". (p. 332-333)


Emmanuel Dongala, Les Petits garçons naissent aussi des étoiles, Le Serpent à plumes, 2000 (première édition 1998), 398 pages, Prix RFI-Témoin du monde 1998.

12 commentaires:

Obambé a dit…

Dans la hiérarchie Dongala, il y a 2 romans que je n’arrive pas à départager pour dire lequel est pour moi le meilleur :
- Un fusil dans la main, un poème dans la poche ;
- Le feu des origines.
Il n’empêche que le roman dont tu parles est aussi excellent. Quand je l’avais lu, j’avais été étonné par la façon dont l’auteur avait abordé les dialogues entre adultes et enfant. Cet enfant (Matapari). Franchement, les échanges entre cet enfant et ses aînés sont à lire à des enfants. A faire lire. Tellement ils sont beaux. Venant d’un écrivain qui, au moment de faire ses textes, était qualifié d’engagé (étiquette qui ne lui correspond plus du tout, a-t-il dit sur le plateau de Frédéric Taddéï, il y a quelques semaines).
C’est vrai que la naissance des triplés n’est pas chose courante. Je ferme mes yeux et je vois encore tous ces gens qui vont se pencher sur le chevet de cet enfant pour l’aider à bien arriver dans notre monde : à mourir de rire.
Je vois encore le beau-frère du papa de Matapari, donc son oncle maternel qui se plaint du très petit score qu’il a réalisé à l’élection présidentielle. C’est à mourir de rire, mais le pire (le mieux même je dirais) c’est d’entendre son beau-frère s’étonner que tant de gens justement aient voté pour lui. Je recommande vivement ce roman à celles et ceux qui ne l’ont pas encore lu. E. B. Dongala écrit peu (à mon grand désespoir), mais il écrit tellement bien qu’il se rait dommage de ne pas le « connaître ».

Liss, très bonne idée d’avoir pensé à lui en ce 14 juillet pendant que le reste du monde avait les yeux, les oreilles, le nez et la bouche braqués ailleurs.

@+, O.G.

Liss a dit…

Ces deux romans de Dongala, j'étais sans doute trop jeune lorsque je les avais lus pour les apprécier à leur juste valeur, je ne saurais en parler avec précision. Je me souviens plus de Jazz et vin de palme, dont j'avais même eu la chance de voir une interprétation scénique au CCF de Brazza. Je suis d'accord avec toi, Dongala ne publie peut-être pas chaque année, mais lorsqu'il le fait, on apprécie.

Obambé a dit…

Ah! Jazz et vin de palme... quel délice que ce recueil de nouvelles. C'est un vrai plaisir de le lire. D'ailleurs, je n'avais pas hésité à l'offrir autour de moi, pour partager ces petites histoires de chez nous que Dongala sait si bien raconter.
J'aime les romans, mais l'avantage avec la nouvelle, pour un lecteur lent comme moi c'est qu'on n'est pas obligé de se taper tout un livre d'un seul coup. On peut choisir pour commencer une nouvelle, soit sur les conseils d'un(e) expert(e) (Liss, Gangoueus, K.N., Sami Tchak...) soit simplement parce que le titre est accrocheur. Par exemple, en achetant Un rêve d'albatros de Kangni Alem, je m'étais précipité sur la nouvelle concernée par ce titre. J'étais tellement curieux de savoir de quoi pouvait bien rêver un albatros, d'autant que je ne me souviens pas qu'un auteur africain ait abordé cette question. Quelle ne fut pas ma surprise de voir qu'en fait Albatros était le nom d'un... chien! Kangni Alem est un véritable farceur!!!

@+, O.G.

Liss a dit…

Experte, moi ? Tu me fais trop d'honneur, disons que je suis les traces de gens beaucoup plus avertis comme K.A., Gangoueus, sami Tchak que tu cites. Et toi, tu n'es pas en resten même si tu prétends le contraire.

GANGOUEUS a dit…

Je suis assez surpris par une certaine unanimité sur ce roman.
J'apprécie la plupart des romans du doc, mais Le feu des origines et le roman que tu viens de commenter sont en fin de liste.

Jazz et Vin de palme est un régal.
Johnny chien méchant, est un roman référent sur la question des enfants soldats, Et Photo de groupe au bord du fleuve, est magnifique.

J'ai l'occasion, Obambé, de suivre le doc a une séance de dédicace sur Paris. J'ai appris par lui-même a connu dans ses années d'étudiants des mouvements gauchistes extrêmement radicaux, et qu'il a serré la pince à Malcolm X, du temps où il étudiait aux Etats Unis.

Et cet homme a une âme engagée. Seulement, je pense que pour l'engagement ne se cache pas derrière des mots, mais par une attitude, une manière d'être, une intégrité dans un contexte de pourriture, et qui explique qu'on lui est confié la légalisation des diplômes à l'Université Marien Ngouabi, le fameux poste de Lefillastre.

Il y a quelques années, il a écrit une tribune virulente dans le journal Libération sur la question de l'immigration en France. L'engagement est une attitude personnelle de l'intellectuel qui fait avant de demander de faire et de donner des leçons.

Liss a dit…

Au moins nous sommes tous parfaitement d'accord sur Jazz et Vin de palme. Pour le feu des origines, je crois me souvenir que je n'avais pas terminé le roman, mais comme je l'ai dit plus haut, j'étais peut-être trop jeune. Donc tu n'as pas trop aimé le récit de Matapari ?

Françoise a dit…

Bonjour Liss, moi j'ai vraiment adoré "les petits garçons naissent aussi des étoiles", roman que j'ai trouvé très drôle malgré parfois des instants dramatiques .Il est jubilatoire ! Dongala a le mérite d'écrire toujours sur des sujets très différents des histoires passionnantes, avec un style également différent.Son dernier roman "photo de groupe au bord du fleuve " est une vraie ode à la femme africaine, "Johnny chien méchant" défend le parcours des enfants soldats.Je viens de finir "jazz et vin de palme", que j'ai un peu moins aimé, mais c'est vraiment un homme extrêmement humain et respectable, intéressant à lire et à écouter !

Liss a dit…

Coucou Françoise,
heureuse de t'accueillir dans cette vallée. Je vois aussi que nous sommes sur la même longueur d'ondes concernant Les petits garçons naissent aussi des étoiles. Je n'ai toujours pas lu Photo de groupe, et tu me donnes envie de bousculer un peu ma liste de lecture... Ah ! comment faire, quand on a que deux yeux, et tant de beautés à découvrir ?

Françoise a dit…

oui Liss je connais moi aussi cette frustration de ne pas pouvoir tout lire quand il y a autant de trésors ! je compte sur toi pour me faire découvrir sur ton blog des livres .Vraiment, tu peux lire le dernier Dongala, c'est un délice !

Liss a dit…

Oui, oui, oui, je note le dernier Dongala à lire dans les prochaines... semaines, mois ? C'est ce que j'apprécie particulièrement avec les blogs : nous proposer les uns les autres de bons moments de lecture. Mais je n'ai pas réussi à trouver le tien, la page blogspot est vide, est-ce que c'est normal ?

Caroline. K a dit…

Bonsoir Liss,

Il y'a bien longtemps que je ne suis pas "curioser" sur tes pages, mais je ne t'ai pas oublié pour autant. C'est un livre qu'on m'a offert et que je n'ai pas encore lu, mais çà viendra. Par contre, justement je me demandais si tu avais écris quelque chose sur son dernier livre, comme il est sur ta liste. Je reviendrais fouiner pour voir ce que tu en dis. J'ai aimé la façon dont il en a parlé, mais l'avis d'une spécialiste, c'est toujours tentant pour se décider.

Caro

Liss a dit…

Ma Caro,

je suis bien contente de te retrouver ! Moi non plus je ne t'ai pas oubliée, je suis allée régulièrement voir chez toi mais tu étais en chantier, et il semble que tu l'es toujours. J'ai hâte de découvrir ton nouvel espace. Tu as des amis attentionnés, ils t'offrent de bons livres.