jeudi 14 janvier 2010
Une préfiguration de la fin du monde ?
mercredi 13 janvier 2010
Eldorado, de Laurent Gaudé
Ce sont donc, dans Eldorado, deux écrans qui sont placés sous les yeux du lecteur. Deux volontés contradictoires. Deux trajectoires croisées. D’ailleurs les destins se croiseront l’espace de quelques minutes.
dimanche 10 janvier 2010
Filles de Mexico, de Sami Tchak

Au-delà de la race, c’est une interrogation sur la vie que nous offre l’auteur. Qu’est-ce, la vie ? Une « fête des masques » ? (p. 53) ; une « comédie » ? (pp. 166, 168...) ; un « enfer » ? (p. 168)
Pour ceux qui naissent du mauvais côté de la vie, du mauvais côté de la peau, la vie a tous les délices des enfers. Mais ceux qui ne sont nullement dans le besoin, comme Deliz, intellectuelle colombienne, comme Hector Zarate, gérant d’un bar ; ceux qui ont encore la jeunesse en partage, sont-ils à l’abri du souci ? D’un côté comme de l’autre, nous sommes tous dans le même panier : désarmés contre la toute puissance du temps. Faut-il craindre la vieillesse ? Faut-il craindre la mort ? Elle nous guette partout, prête à se saisir de nous, quand bon lui semble, et souvent au moment où on s’y attend le moins.
En fait, qu’est-ce qui sauve la vie de son absurdité ? Qu’est-ce qui fait qu’elle vaut la peine d’être vécue ? La rencontre, sans doute, déclare Djibril Nawo, dit Djibo, le personnage principal. Ecrivain, il a été invité à présenter une série de conférences à l’Université de Mexico. Mais il a aussi envie de rencontrer les habitants de cette ville, de tisser des liens avec des individus :
"J’aime les aventures parce qu’elles aident à aller au-delà des murs, des apparences, elles aident à faire des rencontres." (p.18)
Djibo a envie de connaître la ville qui l’accueille, pas seulement à travers ses habitants, mais aussi à travers ses quartiers, même ceux réputés dangereux.
"Ici, ce n’était pas le quartier dangereux que je voyais, mais un lien d’affluence, un lieu populaire, un lieu comme tant d’autres qu’il m’a déjà été donné de visiter ailleurs dans le monde. Ces lieux qui sont comme les ventres des océans. Entrer dedans en explorateur, prendre tout son temps, avoir la patience nécessaire pour décoder les énigmes des dangers et des beautés. Mais même les dangers sont beaux. [...] Entrer dedans comme un petit poisson, se glisser dans la vastitude du grand bleu où on peut finir dans une gueule, dans un museau, dans une panse. Entrer dedans, se mêler à la grande danse, à la grande fête des masques." (p. 52-53)
Sans les avoir lus tous, j’ai l’impression que toutes les œuvres de l’auteur se font écho dans ce roman : « fête des masques » (p. 53), fragilité des destins des « chiots errants » (p. 59), ces enfants livrés à la rue, prostitution...
Question d’identité, question de vie ou de mort, question de survie, Filles de Mexico est un roman de questionnements, un roman où tout est ambivalent. Surtout les relations. Même les relations entre père et fille. Le complexe d’Œdipe est souvent présent dans les romans de l'auteur.
Entrer dans l’univers romanesque de Sami Tchak, c’est monter dans une embarcation qui vous emporte sur la mer des incertitudes, voguant entre rêve et réalité, entre fiction littéraire et réalité, entre désirs et fantasmes...
samedi 9 janvier 2010
Pourquoi ?
- Mais pourquoi ils vont jouer la coupe là-bas alors qu’ils savent qu’il y a la guerre ? Pourquoi ils ne jouent pas au Congo ? Il faut qu’ils arrêtent ça, hein ! Pourquoi ils ne jouent pas au Congo ?
Les « pourquoi ? » des enfants, il y en a de plus en plus auxquels je ne réponds pas.
vendredi 8 janvier 2010
Internet, cette peste !
Figurez-vous que je me suis fait à moi-même le pari d’intéresser mes élèves à une matière qu’ils dédaignent ou qu’ils font semblant de dédaigner pour ne pas se donner la peine de réussir. Après les vacances de Toussaint, lorsque je leur ai annoncé : « Vous devrez vous procurer le livre....
- Encore un livre à lire ?
- Encore un livre à acheter ?
- On n’a déjà pas aimé le précédent !
Il y en a bien sûr qui ont bien aimé, mais ce que j’avais souhaité, moi, c’est approcher les 80 % d’appréciation positive sur ce chef-d’oeuvre de Mérimée. Or là, j’étais vraiment loin, loin...
Bon, plutôt que de céder au désespoir, je me suis dit : on va faire autrement. Allez, on va changer... Je ne vais pas leur imposer une lecture, je vais leur laisser le choix.
Retour des vacances de Noël. Cette fois on travaille sur le portrait. Il fallait d’abord me faire une idée de leur degré de familiarité avec les héros de la littérature : Qui connaît Jean Valjean, Cosette, Javert ? Qui a déjà entendu parler de Rastignac, de Vautrin ? (pas trop de réactions de connaisseurs) Et D’Artagnan ? (Là, beaucoup de « moi ! », « moi ! », « moi ! Madame») Et Cyrano ? (Celui qui a un grand nez ? Oui, Madame, on connaît. ) Et Phileas Fogg... ? Et Sherlock Holmes... ? Et le commissaire Maigret... ? Oui... ? Non... ? Bon, vous avez compris que ce sont tous des personnages célèbres de la littérature. Pour apprendre à les connaître, ou pour faire découvrir à vos camarades des personnages de romans que vous avez aimés, vous allez, en groupe ou individuellement, choisir un personnage dont vous parlerez en classe.
Je leur ai donné toutes les indications nécessaires. Il s’agissait pour eux de rédiger une sorte de fiche d’identité du personnage (nom, roman où il apparaît, nom de l’auteur, description physique et morale...) Ils devaient en plus faire un dessin du personnage tel qu’ils se le représentaient, avec, en dessous une phrase du roman, un passage qui illustre le personnage.
- Non mais, j’avais dit « personnage de roman, d’un récit ! »
- Mais Madame...
- Est-ce que ton film est une adaptation d’un roman ?
- ...
Un autre groupe. Jeudi. Ils avaient choisi Phileas Fogg. Très bien, très bien, me suis-je dit. Tout n’est pas perdu. Exposé. Résumé du Tour du monde en 80 jours. Beau dessin de Phileas Fogg. Il était en effet bien fait, avec ses moustaches et ses favoris, sa canne et tout et tout. Mais il manquait quelque chose.
- Quelle phrase vous avez choisie, dans le roman, pour illustrer votre propos ?
- Comment ça, quelle phrase ?
- Vous avez bien choisi un passage de description dans le roman ?
- Ah non, Madame, comment on aurait pu, on ne va pas lire tout le livre quand même ?
- Tout le livre ? Je vous avais précisé que vous n’étiez pas obligé de lire tout le roman, vous pouviez vous contenter des premières pages car, en général, vous trouvez le portrait du héros dans les premières pages du roman...
- Vous en êtes sûre ? (elle me dit ça, l’impertinente) Et puis on n’a pas le livre, on n’allait tout de même pas l’acheter !
- Mais vous le trouvez partout, ce roman de Jules Verne, que ce soit au CDI ou dans votre bibliothèque municipale... Comment avez-vous fait alors, pour votre exposé, si vous n’avez pas lu le livre ?
- Mais on est allé sur Internet, Madame !
Internet. Bien sûr ! Et voilà. On ne lit plus. On va sur Internet. Quelle peste ! Je me console donc comme je peux. Sur Internet. Internet, quelle peste !
jeudi 7 janvier 2010
Un samedi festif
MENU 1 : ALBERT CAMUS et L'ALGERIE
Le samedi 23 janvier 2010 : 19h
Les Amitiés Littéraires
présentent à la salle des fêtes de Soisy-sur-Seine
Boulevard de la république
Albert Camus et l’Algérie
Albert Camus commença sa carrière d’écrivain à Alger où il publia, en 1939, une série d’articles dénonçant la famine en Kabylie et l’injustice du statut des indigènes. Très controversé dans son pays natal il trouva une place de journaliste dans Paris occupé où il prit part à la résistance comme rédacteur du périodique clandestin « Combat ».
Après la seconde guerre mondiale il devint célèbre et obtint le prix Nobel de Littérature.
Durant la guerre d’Algérie il défendit, avec constance, l’idée d’une fédération algérienne, dans l’égalité des droits entre tous ses habitants.
Les événements en ont décidé autrement mais évoquer la vie de ce grand auteur est une occasion de rappeler les liens qui se sont créés entre l’Algérie et la France, souvenirs communs ouvrant la voie à la paix des cœurs.
Narration par Gilbert Soussen. Chansons par Nouria, illustration chorégraphique par Nouria et Mylène.
Téléphoner à Gilbert Soussen au 01 69 06 32 20 pour retenir des places… puis lui envoyer votre chèque, à l’ordre des Amitiés Littéraires, au 19, rue de la Tête Noire 91 130 - Ris-Orangis.
Prix d’entrée : 18 euros. Repas compris. 15 euros pour les adhérents à l’association Les Amitiés Littéraires à jour de leur cotisation.
C'est pourquoi, cette manifestation associe des talents divers. Cependant, cette première expérience pour nous dans ce domaine nous a porté à réduire le champ d’investigation. C'est la raison pour laquelle participent à celle-ci, uniquement des auteurs, poètes, peintres, musiciens et chanteurs.
Bien sûr nous avons privilégié les artistes originaires du Congo Brazzaville, ainsi que du Congo Kinshassa, pour répondre notamment au premier objectif de l’association mais pas seulement, puisque d'autres artistes originaires d’Afrique participent à la manifestation.
Dans la mesure du possible nous souhaitions pouvoir toucher tous les publics ( jeunes, moins jeunes et personnes plus âgées. ) Nous avons voulu cette ouverture pour témoigner de cette richesse et de sa diversité. Et d’y inscrire l'inconvenance des frontières lorsqu'elles ne servent qu'à diviser les êtres, du fait que l'Art s'adresse au coeur des hommes et des femmes sans distinction aucune.
PROGRAMMATION
Vendredi 23 janvier 2010
De 10 h à 12 h puis de 14 H à 17 voir + pour ceux qui pourront partir + tard.
Exposition de livres et peinture en présence de leurs auteurs.
Peintre :
Loulette (Ile de la réunion)
Auteurs :
Aurore Costa (Congo Brazzaville)
Damia (Kabylie)
PAUSE de 12 H à 14 H
19 H 30 Ouverture du Spectacle
20 H Challal Mohand (Chanteur) Kabylie
21 H 30 A.Kisukidi & G.Bimbou (Récital)
22 H Youss Banda ( Groupe Musical ) Congo Brazzaville
Samedi 23 janvier 2010
De 10 h à 12 h puis de 14 H à 17 H voire + pour ceux qui pourront partir + tard.
Exposition de livres et de peinture en présence de leurs auteurs.
Auteurs :
Liss Kihindou (Congo Brazzaville)
Damia (Kabylie)
Peintre :
Maestro (Congo R.D.C.)
PAUSE de 12 H à 14 H
19 H 30 Ouverture du Spectacle
20 H Angela MAY ( Chanteuse ) Madagascar
accompagnée de groupe musical malgache dont Jean-Brice TOLY ( guitare )
22 H A.M.J.C.N. Association Musicale des Jeunes Comoriens de Nice
( Groupe Musical des Comores )
dimanche 3 janvier 2010
Tant que les arbres s'enracineront dans la terre, d'Alain Mabanckou

LETTRE OUVERTE A CEUX QUI TUENT LA POESIE
Dans sa Lettre ouverte à ceux qui tuent la poésie, Mabanckou fustige ceux qui prétendent que la poésie se meurt. Il est vrai, et Mabanckou le reconnaît, que la poésie en tant que telle n’a plus la même suprématie qu’à l’époque de Ronsard par exemple :
« Ecrire ou publier de la poésie semble de nos jours un acte de résistance, une manière de Mohicans. L’espace poétique s’est dégradé au fil du temps. Et alors, le poète, retranché dans son îlot, regarde ce monde qui lui tourne le dos et cherche à comprendre l’origine de cette désaffection. » (p. 9)
Mabanckou explore les causes de cette ‘‘désaffection’’ et pose la vraie question : qu’est-ce que la poésie ? Car si on la croit ‘‘agonisante’’, c’est peut-être qu’on ne sait pas la reconnaître, ou qu’on ne sait pas reconnaître son vrai visage. Elle s’invite pourtant dans tous les bals organisés en l’honneur de la littérature, mais elle y apparaît masquée. Dans l’admirable nouvelle Le Masque de la Mort Rouge d’Edgar Allan Poe, les invités au bal n’avaient pas reconnu cet hôte indésirable qui avait pris le masque de la Mort, ils ne comprirent que trop tard que ce masque n’en était pas un en réalité.
Mabanckou nous invite dans sa lettre à ne pas être aveugles, écoutez-le :
Non, la poésie n’est pas morte. Elle est assise quelque part, guettant avec regrets les passants indifférents. En réalité, il faut aller chercher la Poésie partout où elle s’est retirée. La poésie n’est plus l’apanage des plaquettes ou des recueils. Beaucoup de récits, de nouvelles, de romans perpétuent la tradition poétique. Je pense aux romans de certains écrivains de La nouvelle génération : le Camerounais Gaston-Paul Effa. Des pages d’une poésie indubitable.
Les romans de Louis-Philippe Dalembert, écrivain haïtien, remuent la terre d’enfance, la traversée des mers, l’exil dans un style soutenu et singulier. Même observation pour les textes en prose du Djiboutien Abdourahman Waberi qui avoue d’ailleurs :
En fait, je suis un trafiquant. Je fais de la poésie mais, comme ça ne se vend pas, je la maquille en roman...
(Je confirme : j’ai lu Balbala, et Aux Etast-Unis d’Afrique, vous ne pouvez pas lire Waberi en pensant à autre chose, il mobilise votre œil qu’il garde rivé sur sa parole, une parole allégorique, poétique)
Pas de titre, assez courts dans l’ensemble, les textes poétiques qui composent ce recueil se dégustent du bout des lèvres. En fait on les grignote plutôt qu’on ne les dévore, tant ils offrent des saveurs diverses et ne s’épuisent pas en une seule lecture : on vole de l’un à l’autre, on revient sur un texte, on repart sur l’autre, et indéfiniment, sans se lasser. Les thèmes sont ceux que l’on trouve dans ses romans : l’enfance, avec « la silhouette de ma mère » qui surplombe toute son œuvre ; la « migration » :
Je ne sais quel temps il fera
De l’autre côté de la migration
Mais le monde s’ouvre à moi
Riche de carrefours (p. 26)
Mabanckou invective ceux qui prétendent connaître l’essence des choses mais l’ignorent complètement :
Voici venu le temps des rires hypocrites
Le temps de la médiocrité servie à toute les sauces (p. 47)
Plus loin :
Les faux prophètes convoquent Diop / qui reste à lire
Les faux convoquent Fanon / qui reste à lire
Les faux prophètes convoquent Césaire / qui reste à lire (p. 50)
Ici je n’ai pu m’empêcher de faire le lien avec les dernières pages de Tels des astres éteints, où Miano exprime son ras-le-bol à propos de ceux qui convoquent à tout bout de champ les « icônes du monde noir », mais qui ne les honore nullement par leurs actions (faute de réelle connaissance des écrits et des combats de ces défunts ?)
Mais ce que j’apprécie surtout c’est que Mabanckou abat les frontières :
Je déchire ici et maintenant
L’acte de naissance des frontières
Pour baptiser le nouvel espace à conquérir (p. 23)
Ce n’est pas seulement les frontières entre les genres, comme il le dit dans sa lettre ouverte, mais aussi les frontières entre lesquelles un auteur ne saurait se laisser enfermer : gare à celui qui va lui donner « le tam-tam à battre », car
Je n’ai pour attaches
Que la somme des intersections
Les échos de Babel (p. 24)
Allez, je vous dis : bonne dégustation !