mercredi 7 octobre 2009

Dialogue imaginaire et imagé, d'Eveline MANKOU

Après Patience d'une clandestine en France, nouvelle dont j'avais parlé à sa sortie, je découvre une autre oeuvre d'Eveline MANKOU-NTSIMBA : Dialogue imaginaire et imagé entre la mère et le foetus, qui vient de paraître. Bien que trouvant le titre trop parlant, trop explicite à mon goût, je me suis pourtant procuré le livre car l'idée me paraissait originale de faire parler un foetus et j'étais impatiente de voir comment l'auteur avait traité ce sujet intéressant, d'autant plus que le résumé de quatrième de couverture est plutôt alléchant. En voici quelques extraits :


"J'ai utilisé un système cognitif antique pour faire jaillir la vérité. Cette méthode, Socrate l'a nommée la maïeutique ou l'art de faire accoucher les esprits. Elle consiste à faire découvrir à son interlocuteur la vérité [...] Le futur bébé pose d'intempestives questions. Une vraie conversation s'engage entre les deux protagonistes : l'être (la femme) et le non-être (le foetus)..."
Je me suis donc plongée dans ce texte avec beaucoup d'espérances. J'ai apprécié le jeu sur le langage dans certaines expressions comme par exemple à la page 49 : "il était incollable et moi, il me collait à la peau" (l'héroïne parle de certains sujets d'actualité maîtrisés par son amant). Mais je dois dire que, dans l'ensemble, mes espérances ont plutôt été déçues, car il n'y a pas de "vraie conversation" comme annoncé dans la quatrième de couverture. J'entends par là qu'on n'apprend pas plus du foetus : si la mère s'exprime en long et en large sur ce qu'a été sa vie jusqu'au moment de tomber enceinte, aucune lumière ne vient du foetus ou tout simplement celui-ci ne l'aide pas à voir plus clair.

On s'attendrait par exemple à ce que l'héroïne accède enfin, grâce à la prise de parole de son enfant à naître, à une certaine dimension spirituelle, philosophique qu'elle n'avait pas encore atteint jusque-là. On aurait pu penser que, avec cette vie qu'elle porte en elle et qui est capable de lui parler, elle s'interrogerait sur la vie avant la vie, sur ses croyances, elle prendrait conscience qu'un simple foetus, de quelques milimètres seulement, est déjà un être à part entière et est peut-être porteur d'un message, pourquoi pas divin, spirituel ?

La conversation, je dirais plutôt le monologue de l'héroïne porte essentiellement sur ses relations sentimentales, sur ses expériencs sexuelles, mais elles ne débouchent pas sur une "vérité".
Le lecteur est aussi en droit de se poser des questions sur le statut du foetus : futur enfant ou copain avec qui on peut avoir des conversations touchant même sa vie amoureuse ?

Bref cette nouvelle aurait gagné à mûrir encore quelques mois dans l'esprit de son auteur pour que les lecteurs aient, non pas un foetus en guise de festin, mais un vrai roman abouti.

8 commentaires:

GANGOUEUS a dit…

Chère Liss,

Je vois que tu n'as pas digéré ce roman. Peut-être en attendais-tu trop?

L'idée d'un dialogue avec un foetus me paraît un projet passionnant dans une société qui tente de plus en plus de réduire le foetus à un objet, une chose dépourvue de lien avec l'humain...

Peut-être que le projet de l'auteur est plus centré sur le désir, et les circonstances de cette grossesse...

As-tu aimé son premier roman Patience d'une clandestine?

Liss a dit…

Salut Gangoueus,
En fait cette grossesse n'était pas désirée, et l'héroïne ne peut dire qui en est le géniteur, mais ce n'est pas vraiment un manque si on ne le sait pas davantage, à la fin du texte, par contre ce qui me paraît un manque criard, c'est qu'il ne se passe pas un "truc" entre la future mère et le foetus, du genre de ce que tu avances comme idée, justement, tu as bien compris où je voulais en venir : on aurait pu voir une héroïne qui soudain est en proie à une prise de conscience extraordinaire : un foetus n'est pas un simple foetus, mais...
Je reste moins sur ma faim avec Patience d'une clandestine en France, même si je pense qu'Evelyne Mankou aurait pu plus développer et en faire un véritablement roman plutôt qu'une nouvelle. On sent qu'elle avait beaucoup de choses à dire sur ce que peut être l'itinéraire d'une personne qui débarque en France, et elle avait sans doute envie que sa voix soit vite entendue...

Caroline.K a dit…

Bonjour Liss,

Apparemment, le titre est le problème, avec Monologue de la femme enceinte, aurais tu été moins déçue ? Sur ce sujet, je crains de ne pouvoir vraiment extrapoler. Alors du coup, je réponds à ta dernière question posée chez moi et que je découvre, mais oui, je suis très en retard sur le blog de la carterie.
Oui j'ai le lien du site de Rhode Makoumbou, je ne sais pas comment je me suis retrouvée sur le listing, mais tant mieux. Une expo qui mélangerait écriture et images ? J'aime bien explorer de nouvelles choses même si j'ai toujours peur de me planter.

Caroline

Liss a dit…

Et j'étais sérieuse ! Ce serait d'ailleurs une belle occasion de se rencontrer. Si on se plante, ça nous fera une expérience, si c'est une réussite, tant mieux.
Au plaisir !

Caroline.K. a dit…

Mais alors si je comprends bien, tu écris ? Que dis tu au fait, femme écrivain ou écrivaine ? je me suis fais allumer une fois par une intello et depuis je préfère demander.
Pour ton idée, je pense qu'on pourrait en parler un peu plus, si tu parlais sérieusement, je ne suis pas contre...
Tu as le choix des armes, je ne suis qu'une dilettante...

Liss a dit…

De nos jours on s'insurge de plus en plus contre cette "injustice" qui fait que que beaucoup de noms n'existent qu'au masculin alors qu'ils concernent aussi les femmes.

Donc pour moi, si tu dis ''écrivaine'', je suis d'accord, si tu dis "femme écrivain" comme au bon vieux temps, je ne vais pas faire la grimace non plus. On dit aussi de plus en plus "auteure", et je l'emploie souvent moi-même pour me définir. Je serais plus à l'aise avec l'appellation "écrivaine" lorsque j'aurais publié mon premier roman (si j'y arrive).

Pour l'instant je suis auteure de deux recueils de nouvelles, le premier à compte d'auteur et le deuxième chez L'harmattan. Il est disponible chez les libraires et s'intitule "Détonations et Folie".

Je suis d'accord pour qu'on creuse la question et étudie la réalisation d'un tel projet.

Merci de ta visite.

Caroline.K a dit…

Bonjour Liss,

Entre nous, je ne suis pas une acharnée des mots, mais je me dis que si la fonction existe alors pourquoi ne pas le faire, c'est aux personnes concernées de faire en sorte que...
Autrement, j'ai noté le titre du recueil de nouvelles, moi le court me convient mieux alors je vais trouver l'occasion d'explorer ton univers de fiction.
Pour le reste, je suis encore sur la toile, alors tu me feras signe parce que je n'ai absolument aucune idée sur le comment, du coup, je suis open.
La bonne journée
Caroline

Liss a dit…

OK Caroline, on fait donc comme ça : on essaie de réfléchir, de voir comment un tel projet pourait aboutir. Je ne suis pas une flèche non plus, pour reprendre ta belle formule, mais dès que j'ai des idées précises, on se les partage.
Bises.